Dans la Silicon Valley, les geeks paient très cher pour envoyer leurs enfants dans des écoles sans aucun ordinateur.

 

Une année dans une des prestigieuses Waldorf Schools californiennes coûte entre 13 000 € (école primaire) et 19 000 € (secondaire). Ces écoles sont littéralement remplies des enfants des cadres supérieurs des entreprises high-tech de la Silicon Valley (le Directeur Technique d’eBay, un grand nombre de cadres d’Apple, de Google, de Hewlett-Packard y envoient leurs enfants).

Ce qui distingue ces écoles ? Les ordinateurs, ainsi que toutes leurs déclinaisons (IPAD, Smartphone,TBI…) sont interdits dans les salles de classe. (Et l’usage en est déconseillé à la maison).

Quelles sont les raisons profondes qui poussent les parents – parmi les plus savants au monde en matière de technologie, on ne peut donc parler de “manque de connaissance” ou de “non prise en compte des enjeux de demain”… – à payer si cher pour mettre leurs enfants dans ces écoles ?

Il y a bien sûr la conviction, étayée maintenant par de nombreuses études, que la technologie n’améliore pas, ou pas beaucoup, le niveau des élèves (voir aussi, sur ce blog “Le TBI est-il utile à l’enseignement ?“).

Mais le facteur clé qui justifie cet ostracisme est la conviction qu’ont les parents que non seulement la technologie n’est pas utile en classe, mais divertit les élèves, les détourne du savoir. J’ai souvent abordé ce sujet dans ce blog et je vous renvoie à deux de mes précédents billets sur Google ou sur l’IPAD et le rétrécissement du savoir.

Celui qui va sur Internet – ou qui utilise un IPAD – rentre dans une entreprise de distraction, au sens premier du terme, qui est celui de détournement. Au bout de quelques minutes, il a toutes les chances de se retrouver à faire autre chose que de la recherche (lire la bourse, les résultats sportifs, chatter sur MSN…).

Les concepteurs des machines que sont Google, l’IPAD ou encore eBay sont parfaitement conscients du phénomène d’addiction qu’ils créent et veulent en préserver leurs enfants. C’est d’un cynisme génial.

[C’est aussi un point de singularité de l’histoire du monde. Quand Marx décrivait la religion comme un opium du peuple, il décrivait essentiellement un phénomène de structure, inconscient chez les classes dirigeantes mêmes – puisque leurs enfants étaient traditionnellement élevés dans le cadre d’une église. D’inconscients chez Marx, les oppresseurs sont devenus conscients aujourd’hui, mais cette prise de conscience n’empêche nullement le phénomène de se propager.]

La politique éducative en matière de technologie numérique, le “projet” numérique au sens noble du terme, doit avoir pour but unique de réduire le décalage que entre “la promesse marketing des technologies” (leurs avantages potentiels tels qu’ils sont vantés par Apple, Google et les sociétés qui développent ces technologies) et l’utilisation réelle, moyenne, statistique, des technologies numériques (aujourd’hui, un usage addictif, qui abêtit élèves et parents).

Je vous renvoie à cet article récent du New York Times pour en savoir plus sur les écoles Waldorf.

(8) commentaires pour "Dans la Silicon Valley, les geeks paient très cher pour envoyer leurs enfants dans des écoles sans aucun ordinateur."

  1. Nul doute qu’ils se rattrapent à leur retour à la maison. Ces écoles peuvent faire l’impasse sur les nouvelles technologie, en se reposant sur le bain de culture multimédia présent dans toutes les familles.

    Cela serait-il possible en France, où environ 70 % des foyers possèdent un ordinateur… Ce qui signifie que sur une classe de 24 élèves, 6 n’ont pas la possibilité d’utiliser d’ordinateur à la maison ?

  2. Speechi dans VousNousIls.fr

    […] à Quentin Duverger (VousNousIls) de reprendre, en les enrichissant, les informations que j’ai données sur les Waldorf Schools (écoles sans ordinateur) la semaine […]

  3. WHAT ? | Pearltrees

    […] Dans la Silicon Valley, les geeks paient très cher pour envoyer leurs enfants dans des écoles sans… Mais le facteur clé qui justifie cet ostracisme est la conviction qu’ont les parents que non seulement la technologie n’est pas utile en classe, mais divertit les élèves, les détourne du savoir. J’ai souvent abordé ce sujet dans ce blog et je vous renvoie à deux de mes précédents billets sur Google ou sur l’ IPAD et le rétrécissement du savoir . Celui qui va sur Internet – ou qui utilise un IPAD – rentre dans une entreprise de distraction, au sens premier du terme, qui est celui de détournement. […]

  4. L’utilisation des technologies ou non n’est qu’un des facteurs dans le choix de l’ecole, et certainement pas le plus important.
    A mon avis, ces parents choisissent l’ecole Waldorf pour son niveau d’etude, pour la philosophie d’enseignement Waldorf (“nouvelles” pedagogies, comme les ecoles Decroly, Montessori, Steiner), sa population (forcement bourgeoise vu le minerval), ou par defaut, parce que l’ecole publique dont ils dependent geographiquement ne leur semble pas bonne sur un ou plusieurs de ces 3 points.
    Donc peut-etre meme malgre le fait que l’ecole n’aime pas les ordinateurs!
    Dans le college ou je travaille, nous sommes en pleine reflexion sur un projet d’adoption de tablettes pour les eleves, en remplacement des manuels scolaires. Je me suis precipitee sur votre article mais malheureusement je n’y ai rien trouve qui puisse enrichir notre reflexion.

  5. Ecole numérique, année zéro.

    […] Les ordinateurs, support de ces nouveaux modes d’enseignement, sont déjà mobiles. Ils pourront être utilisés pour le meilleur (l’éducation) ou pour le pire (rétrécir le savoir, divertir, abêtir) […]

  6. Ecole numérique: en avant vers le passé !

    […] plus en plus importante de l’enseignement (vision optimiste) ou de l’abêtissement des masses (vision pessimiste) se fait nécessairement en dehors de […]

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