La rentrée des enfants : le programme d’informatique de Première

Programme informatique premièreCette année, ma fille rentre en première et il se trouve que justement Madame, vous n’allez pas me croire, mais c’est précisément l’année ou l’option informatique se crée. Alors, rompant avec la tradition familiale, ma fille, qui me fait bien trop confiance, a décidé de prendre l’option informatique plutôt que l’option physique.

Du coup, j’ai eu accès au manuel informatique “pilote” (puisqu’il s’agit d’une première du genre) édité par Ellipses, qui est celui qu’on a distribué dans la classe. J’avais écrit en juillet tout le bien que je pensais de l’ouverture d’une nouvelle option informatique en première ainsi que mes réserves sur le contenu du programme lui-même, à savoir :

  • Son côté encyclopédique et abstrait, alors que l’informatique est une matière très concrète
  • Son côté rétro. Alors que l’introduction de l’informatique au programme se justifie essentiellement par les avancées faites depuis les années 2000, le programme reproduit l’enseignement de l’informatique tel qu’on le pratiquait dans les années 80.

Compte tenu de ces réserves, le manuel Ellipses est sans doute ce qu’on peut tirer de mieux du programme actuel. Le contenu est de qualité et il est présenté de façon très rigoureuse sans les divertissements stupides, censés égayer l’élève ou lui prouver l’utilit(arit)é de la matière, que j’ai retrouvés dans un grand nombre de manuels scolaires de ma fille toutes matières confondues depuis le collège.

Les exercices font réfléchir et ont le bon niveau de difficulté pour un élève de première. Le manuel constitue aussi – et c’est sans doute sa principale valeur ajoutée – un très bon manuel d’initiation à Python (et in Python we trust). Les élèves profiteront de ceci et même les enseignants en informatique n’ayant pas de compétence particulière en informatique – ils sont très nombreux aujourd’hui, comme je le signalais dans mon précédent billet – pourront donc s’en servir pour enseigner. C’est un excellent livre, à mon avis, pour un professeur de maths.

Très franchement, compte tenu du temps limité qu’il a fallu pour rédiger cet ouvrage (moins de 6 mois ?), tout ceci constitue une performance remarquable.

Ensuite, le livre a les défauts du programme, ce qu’on ne saurait en fait lui reprocher. Pour prendre un exemple, il est totalement inutile d’enseigner en 1ère le principe de l’algorithme de tri alors que des bibliothèques permettent de réaliser de telles tâches en une seule ligne. Ces choses ne devraient plus être enseignées que dans le supérieur d’autant plus que l’apprentissage du Python passe nécessairement par un travail abstrait d’algorithmie du fait de la structure même du langage (listes, dictionnaires…).

Il serait extrêmement utile, au contraire, d’apprendre aux élèves à se servir de telles bibliothèques, de façon à leur montrer au plus vite, dès leur première année, le levier que leur utilisation donne sur le monde. Les algorithmes de recommandation, certaines techniques de machine ou deep learning (sous l’angle de l’utilisation et non pas sous l’angle théorique), des exemples tirés de la nature pourraient par exemple être abordés.

Ce sont ces thèmes qui sont à la base de la révolution numérique et justifient la création de l’option. On fait de l’informatique aujourd’hui parce qu’au tout début des années 2000, on y a trouvé le levier sur lequel voulait s’appuyer Archimède pour soulever le monde et non plus pour obtenir de simples gains de productivité comme il y a 40 ans.  Nous faisons partie d’un monde où nul ne rentrera s’il n’est informaticien.

Ces nouveaux thèmes auraient pour principal mérite, en plus de leur utilité évidente, d’intéresser tout de suite les élèves alors que ce programme risque de générer pas mal d’ennui.

A noter que très peu d’élèves (6% dans le lycée de ma fille) semblent avoir choisi l’option informatique en 1ère. La plupart font des choix traditionnels, jugés moins risqués et prennent donc l’option physique / chimie, recréant ainsi l’option S. Ceux qui ne prennent pas cette option auront un enseignement de physique trop léger, un vernis, ce qui est un vrai problème. Pourtant, enseigner l’informatique est aujourd’hui aussi fondamental que la physique, sans doute plus fondamental que la chimie au lycée et on ne devrait pas avoir à privilégier l’un au détriment de l’autre.

Ce ratio de 6% est nettement insuffisant. Un maximum d’élèves doivent recevoir un enseignement informatique d’un bon niveau au lycée. Pour que plus d’élèves choisissent la spécialité informatique, il faudrait rajouter dans le supérieur des filières informatiques, spécifiquement destinées aux élèves ayant suivi l’enseignement de spécialité, et doter ces filières d’un bon nombre de places. Je parle de presque toutes les filières du supérieur, classes préparatoires,  écoles d’ingénieurs, de commerce, Sciences Po, médecine, véto, principaux cycles universitaires y compris les cycles non scientifiques tel que le droit, où les effets induits par l’informatique vont aussi être immenses. En effet,

Il y a aujourd’hui (10)₂ catégories de personnes, celles qui comprennent pourquoi aux Etats-Unis, l’informatique fait maintenant partie de tous les cursus, scientifiques ou non, et les autres.


(Ceux qui ne comprennent pas la conclusion peuvent lire avec profit le chapitre 1 du manuel Ellipses ou à défaut envoyer un mail à notre support technique. Possible aussi de demander un éclairage en laissant un commentaire à ce billet)

(1) commentaires pour "La rentrée des enfants : le programme d’informatique de Première"

  1. A noter que l’option informatique n’a pas été obtenue dans tous les lycées: dans notre ville moyenne, aucun lycée, sur les 3 préparant au bac général, public ou privé ne l’a obtenue!

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