Au salon ISE à Amsterdam, ce sera la fête pour le coronavirus

Presque chaque année, je me rends au salon ISE à Amsterdam. L’ISE est le plus gros salon européen sur les technologies audiovisuelles à destination des écoles et des entreprises. Cette année, avec le coronavirus, j’ai comme une hésitation, je suis même très en colère et voici pourquoi.

Un salon, c’est un moyen presque parfait de répandre le virus dans toute l’Europe.

Quand des français rentrent des zones infectées, on les met en quarantaine, ce qui paraît une mesure de bon sens. Qu’en sera-t-il ici ?

Il y aura plus de 1000 stands sur le salon, plus de la moitié de ces stands présentent des produits d’origine chinoise, comme je l’ai expliqué dans un billet il y a (déjà !) 6 ans. J’estime, grosso modo, que sur un stand sur trois environ, des commerciaux ou des ingénieurs chinois seront présents. Ceux-ci viennent de toutes les provinces chinoises, y compris des provinces touchées même si, on l’espère, ils ne devraient pas venir directement des zones infectées étant donné les mesures (probablement) prises par le gouvernement chinois.

La durée d’incubation du virus est d’une quinzaine de jours, jours pendant lesquels il n’est pas certain que l’on ne soit pas contagieux. Il y a 15 jours, c’était en Chine le Nouvel An, que les employés passent dans leur province natale. Brassage immense, comparable en France aux grandes vacances. Ceux qui ont attrapé le virus ne le savent probablement pas encore. Du nanain pour le coronavirus.

Un salon ISE rassemble 80 000 visiteurs, pour la plupart européens. Un stand de taille moyenne va voir passer environ 500 visiteurs, un grand stand plusieurs milliers, peut être plusieurs dizaines de milliers. Il paraît évident que si, sur un seul stand, une seule personne en contact avec le public est contagieuse, elle peut passer le virus à des dizaines de personnes, qui vont ensuite rentrer chez elles, partout en Europe.

En résumé, l’ISE, c’est 3 000 personnes présentant un risque d’infection élevé qui sont mélangées bien fort avec 80 000 personnes n’ayant aucun risque au départ. Ces 80 000 personnes à risque repartent ensuite dans toute l’Europe.

 

Le côté dérisoire des précautions sanitaires prises sur le salon

Les mesures sanitaires prises à l’ISE,  uniquement destinées à rassurer les exposants et les visiteurs, atteignent un summum d’inefficacité et d’hypocrisie. Le but est visiblement que le salon se tienne à tout prix. Ces mesures sont rédigées dans une langue de bois parfaite, que j’essaie de rendre ci-dessous entre guillemets.

L’organisation du salon déclare tout d’abord que (bien entendu !) la sécurité est son tout premier souci (« paramount concern »). Ca fait du bien au coronavirus de le savoir. Elle affirme rester « en contact permanent avec le RAI (organisme qui gère l’espace du salon et n’a aucune compétence sanitaire), les compagnies aériennes (!) et enfin les autorités sanitaires. Puis s’abrite derrière les conseils de l’OMS, qui paraissent tout légers, légers quand même :

  • Eviter tout contact avec les personnes atteintes d’infections respiratoires aigües (sans commentaire)
  • Se laver les mains après tout contact avec des personnes malades (mais qui est malade ?)
  • Eviter les contacts avec les animaux d’élevage ou la faune sauvage (il y a une certaine faune à l’ISE, mais peu de moutons)
  • Les personnes qui toussent doivent se maintenir à distance, se laver les mains, etc (toussez dans l’hygiaphone)

Dans son souci permanent de préserver la santé des visiteurs, des mesures additionnelles d’hygiène, on vous rassure, ont été mises en place par l’ISE :

  • Respecter les interdictions de voyager partout où elles existent (ben, pouvait-on faire autrement que de les respecter ?)
  • Les informations sanitaires ( !) et des espaces de premier secours ( !) seront disposés « presque partout » (ceci n’étant toujours d’aucune utilité réelle)
  • Des « stations de désinfection des mains » supplémentaires seront disponibles ainsi que de (nouvelles ?)  recommandations d’hygiène. (Le lavage de mains, s’il est correctement effectué, peut effectivement limiter la propagation du virus. Mal organisé, il contribue à la propagation du virus).

Il faut aussi quand même bien dégager la responsabilité de l’organisateur. Et donc, l’ISE rappelle à tous que

« Notre détermination de maintenir le salon a été prise en prenant en compte les directives des autorités sanitaires et de l’OMS. Celles-ci ne s’opposent pas aux déplacements, sauf de et vers la Chine… qui (ne) représente (que) 3.2% des visiteurs (ce qui fait, mais cela n’est pas précisé, environ 3 000 personnes !).

Plus de 1250 exposants seront présents et prévoient de faire du salon un succès ! »

Pourquoi je suis en colère

Les autorités chinoises ont été longues à réagir par affairisme – l’activité économique est sacrée en Chine et rien ne doit l’interrompre – et aussi du fait de l’opacité propre aux régimes totalitaires. Au moins avaient-elles l’excuse de ne pas savoir exactement de quoi il en retournait. Nous n’avons pas cette excuse. Nous subissons les conséquences d’un affairisme en tous points comparable. A l’obstruction du gouvernement chinois se substitue la langue de bois jargonneuse de l’organisateur qui se défile et l’inaction des autorités, mais n’ayons pas d’illusion, ce salon se tient uniquement au nom du business roi, au détriment de toute préoccupation sanitaire.

A l’Est comme à l’Ouest, dans le monde communiste comme dans le monde capitaliste, dans les dictatures comme dans les démocraties, rien de nouveau.

 


A titre d’illustration, une image prise sur un stand de l’ISE, où des centaines de stands disposent d’écrans interactifs, notre produit phare. Ces écrans interactifs sont touchés par des milliers de doigts, on devrait en toute rigueur se laver les mains avant et après. Qui le fera ? Qui dira même aux visiteurs de le faire ?

 

 

 

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