Ecole numérique : trois propositions (plus une).

ZIPADJe profite de la fin de la campagne pour faire quelques propositions sur le numérique à l’école que des candidats qui parlent de “zipads” ne peuvent certainement pas comprendre (voir sur la vidéo Hollande et Sarkozy évoquer les zipads).

1. Enseigner l’informatique plutôt que les usages.

L’informatique est devenue une science indispensable au citoyen, mais sa présence dans le socle scolaire commun est quasi-nulle.

Les investissements visant à faire utiliser les technologies numériques par les élèves se multiplient (tableaux interactifs, classes numériques…) mais, avant le niveau bac, les formations leur permettant de comprendre comment ces technologies sont développées sont presque absentes– je parle de cours de programmation, de génie logiciel, d’algorithmie et d’architecture des ordinateurs, bref, de tout ce que les anglo-saxons recouvrent sous l’appellation “Computer Science”.

L’informatique est devenue la science la plus importante pour résoudre les problèmes cruciaux qui se posent à l’humanité, du développement durable à la faim dans le monde. Elle est devenue un levier peut être plus important encore que les mathématiques pour toutes les sciences, de la biologie à la physique et sans doute même pour tout ce qui ne peut pas encore être appelé science et est appelé un jour à le devenir (une bonne partie des sciences humaines).

De telles formations sont devenues indispensables pour comprendre le monde qui nous entoure. Elles font partie de la culture générale que devrait avoir tout bachelier qui se destine à faire des études supérieures (avec – et non pas contre – le latin, la philosophie, les mathématiques…).

Il ne s’agit pas de créer une génération d’informaticiens, pas plus qu’il ne s’agissait de créer une génération de latinistes ou de mathématiciens. Simplement de créer des citoyens cultivés dans ce domaine, capables de comprendre et, pour les meilleurs, de créer les outils de demain.

On n’obtient pas cet effet en faisant utiliser des IPADs aux élèves, mais en leur expliquant comment ils sont faits – pas plus qu’on ne formerait des cuisiniers en se contentant de leur faire manger des plats ou des ingénieurs en leur achetant des voitures.

[Précision: ces lignes ont été écrites bien avant le débat d’hier et ne visent pas spécifiquement François Hollande. L’ignorance de la classe politique en la matière est malheureusement générale.]

2. Créer des écoles numériques pilotes et multiplier les expérimentations

Sur le modèle de l’école Alsacienne qu’avait inaugurée Jules Ferry, il faudrait créer un nombre importants d’écoles numériques pilotes (peut être 50) et y rassembler des professeurs d’élite, ceux qui comprennent le mieux la technologie numérique et qui innovent, de façon à pouvoir évaluer un grand nombre de nouveautés pédagogiques induites par la révolution numérique.

Ces enseignants existent évidemment et nous en connaissons un certain nombre chez Speechi. Le recrutement initial dans ces écoles serait effectué sur la base du volontariat, complété ensuite par un concours.

Les innovations pédagogiques pourraient toucher à tous les domaines de la pédagogie, de la société, de l’environnement de l’école. Les enseignants auraient carte blanche à partir du comment où le processus d’évaluation suivi est rigoureux et agile.

Dans cette tâche, ils seraient aidés par des fonctionnaires issus de l’INSEE et de la Direction de l’Evaluation du Ministère de l’Education Nationale.

3. Utiliser les nouvelles technologies pour développer le savoir et pas pour détourner du savoir.

Le potentiel éducatif d’Internet est immense et Google a pour objectif de numériser tous les livres. Mais, comme personne n’a la possibilité physique de lire toutes ces pages, tout ceci ne constitue que le savoir disponible potentiel. Dans la réalité, un outil comme Google a pour but de créer du trafic sponsorisé par des bandeaux publicitaires et ces bandeaux sont optimisés de façon à maximiser le nombre de clics, c’est-à-dire que toute recherche faite à travers Google soumet un étudiant à une pression publicitaire qui le détourne du savoir (et ceci de la façon la plus rapide et la plus efficace possible).

C’est ce que voulait dire Steve Jobs quand il affirmait que « Sur le Web, la publicité détourne du contenu ».

De même, le potentiel pédagogique des IPADs est énorme, mais malheureusement, ces outils ne sont pas utilisés pour apprendre mais pour jouer.

C’est ce que veut dire Obama lorsqu’il déclare que « Avec les iPods, Ipads, Xbox et autres Playstations, l’information devient une distraction, un détournement, une forme d’amusement vain, plutôt qu’un outil qui ouvre des possibilités, qui permet une vrai émancipation. » (ce qui montre la différence de culture numérique entre les dirigeants américains et les dirigeants français, qui se cantonnent, au mieux, à la contemplation admirative des nouvelles technologies numériques – avec tendance extatique prononcée).

La politique éducative en matière de technologie numérique, au sens noble du terme, doit avoir pour but de réduire le décalage entre “la promesse” et l’utilisation réelle, moyenne, statistique, des technologies numériques (aujourd’hui, une vraie catastrophe).

Il faut autant que possible éviter la distraction, le détournement d’objectif. Restreindre la présence publicitaire et le côté purement ludique (je ne parle pas des jeux éducatifs de type “serious games”, je parle de “l’entertainment”, terme exact employé par Obama).

Cela pourrait aller jusqu’à interdire Google dans les écoles, tant que des versions non publicitaires ne sont pas mises à disposition des élèves, ou autoriser des Kindle (qui servent uniquement à la lecture) plutôt que des IPads (qui servent à jouer) à l’école.

D’une façon générale, les applications “gratuites” dont le revenu est basé sur la publicité devraient sans doute être bannies de l’école car le but de l’école est de former des citoyens responsables et non pas des consommateurs aliénés.

Il faudrait aussi, très tôt, former les élèves aux dangers de la distraction numérique. Pour les petits, cet enseignement devrait être dispensé en cours d’instruction civique (numérique). Au niveau du lycée, tout élève devrait être initié, en cours de géographie ou d’économie, aux modèles de revenu de sociétés telles que Google, Apple ou Facebook.

4. Créer un grand corps du numérique et combler le retard sur les USA

Cette proposition sera détaillée la semaine prochaine quelle que soit ton impatience, cher et valeureux lecteur, car ce billet est malheureusement déjà beaucoup trop long et si tu es arrivé jusqu’ici, sache que plus de 95% des abonnés à ce blog n’ont pas eu ton courage et n’ont pas dépassé la dixième ligne. En tous cas Google Stats, qui ne se trompe jamais contrairement aux instituts de sondage, me l’affirme.

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