“Nature is code” : un message d’espoir pour 2021

En cette fin d’année 2020, il est difficile d’envoyer des vœux positifs. Le COVID a tué environ 1 personne sur 1000 en France et aux Etats-Unis (série en cours) ; la crise économique qui s’annonce risque d’avoir des conséquences directes ou indirectes encore plus graves – souvenons-nous de la crise de 1929 et de ses conséquences, en particulier la 2ème guerre mondiale.

Je voudrais pour ma part revenir sur l’immense espoir que représente la mise au point du vaccin ARN pour l’avenir. Ce vaccin a été développé et mis au point en moins d’un an, ce qui constitue une prouesse technique sans égal. Mais cette prouesse en annonce bien d’autres car la raison de cette rapidité de développement est la suivante : le vaccin ARN mis au point par Pfizer est le premier vaccin numérique. La technologie de conception étant de nature logicielle, il sera de plus en plus facile – et rapide – de développer de tels vaccins.

Le vaccin est structuré comme un code informatique. Quand vous échangez des données entre systèmes informatiques, vous le faites souvent sous forme de messages, qui sont structurés ainsi :

EntêteContenuFin
O1O100101001001100011010111111

« Entête » sert par exemple à indiquer au récepteur du message qu’il s’agit bien d’un message à interpréter et qu’il s’agit par exemple de données provenant du système comptable qui lui sont bien destinées. « Contenu » contiendra l’ensemble de ces données et « Fin » lui indiquera que les données ont été transmises. Les données sont envoyées sous forme binaire (des « 0 » et des « 1 »).

La structure du vaccin ARN de Pfizer est strictement identique à ce schéma. Il s’agit ni plus ni moins d’un bout de code contenant ces éléments. La principale différence est que ces données ne sont pas de nature binaire mais quaternaire : les éléments de base sont les briques du vivant, au nombre de 4 : les bases A, C, G et U.

Faire un vaccin ARN, c’est donc concevoir un message informatique. Ce message sera ensuite synthétisé très facilement à l’aide d’imprimantes à ADN.

L’entête

L’entête du vaccin contient différentes informations de type « métadonnées » qui vont indiquer à la cellule où, quand et comment les données génétiques (le contenu du message) doivent être utilisées. Une des prouesses techniques importante pour la réalisation du vaccin est la suivante :  la base « U » est remplacée par une base de synthèse nommée Ψ. Cette astuce a pour conséquence principale d’inactiver le système immunitaire. Le message ne sera pas attaqué ni détruit et pourra pénétrer dans la cellule.  Ensuite, cette base Ψ est une base de synthèse, qui n’appartient pas au « monde du vivant ». Elle ne peut être synthétisée par l’organisme. Aucun virus connu ne peut l’incorporer pour se cacher. Cette molécule Ψ est donc à la fois une des clés de l’efficacité et de la sécurité du vaccin.

Le contenu du message

Le contenu du message contient environ 4 000 lettres représentant le code génétique de la protéine « Spike », caractéristique du COVID. L’ARN ayant pénétré dans la cellule, la protéine « Spike » sera ainsi générée et le système immunitaire commencera à produire des anti-corps permettant à l’organisme de détruire le COVID 19, qui expose cette molécule. C’est le mécanisme classique des vaccins, à ceci près qu’ici ce n’est pas le vaccin affaibli qui est introduit dans l’organisme, mais sa signature (la protéine Spike).

Là aussi, je passe rapidement sur les prouesses techniques. Pour augmenter le rendement du vaccin, pour optimiser la façon dont la protéine va se configurer, on modifie astucieusement quelques lettres du code génétique. Le vaccin de Pfizer ne fait pas que reproduire la nature, il est plus efficace que la nature.

La fin du message

La fin du message est une répétition de termes, de type « FINFINFINFIN… » qui se dégrade au fur et à mesure que l’ARN est utilisé. Au bout de quelques dizaines d’utilisation, l’ARN est dégradé et sera détruit.

Prouesses technologiques mises à part, que constate-t-on ?

L’entête et la queue du message sont essentiellement des constantes. Ils sont à peu de choses près réutilisables pour tout vaccin.

Les données internes du message contiennent l’information du vaccin, son « contenu ». Il suffit pour obtenir celui-ci d’analyser la molécule et un de ses éléments caractéristiques, puis de synthétiser le tout via une imprimante ADN par exemple.

Ceux qui maîtrisent ce processus logiciel ont réussi à développer le vaccin avec une rapidité jamais vue jusqu’à présent, mais dans quelques années, ce travail ne sera plus une question de mois ou d’années, mais d’heures ou de jours. On le réalisera sans doute intégralement à l’aide d’un simple ordinateur relié à l’imprimante ADN. La partie la plus longue sera alors la validation du vaccin (vérification de l’efficacité et surtout essais cliniques de phase 1, 2 et 3).

Nous assistons ici, tout simplement, à une nouvelle manifestation de la pénétration de la révolution numérique et du pouvoir universel du software dans des sciences fondamentales telles que la chimie (voir un précédent billet) ou ici la biologie (l’autre exemple important en biologie étant Crispr, lui aussi de nature logicielle). Ce vaccin est le premier d’une longue série, qui permettront de générer à volonté de nouveaux vaccins de façon très rapide, avec une très grande souplesse et à un coût très réduit. Les GAFAM nous ont appris à notre détriment, selon l’heureuse expression de Lawrence Lessig, que « Code is law ». Avec ce vaccin, nous constatons que « Nature is Code» et c’est une excellente nouvelle pour l’avenir de l’humanité.

Dans nos écoles Algora, nous essayons depuis 2017 de faire comprendre aux enfants, et aujourd’hui aux adultes, toutes les conséquences de cette révolution numérique. Nous abordons tous les sujets: automatisation, intelligence artificielle et compréhension de la nature.

Voici le vrai message d’espoir qui nous vient de l’année 2020.

Meilleurs vœux à tous

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