Ce que notre logiciel d’évaluation “Je Lève La Main” doit à Esther Duflo
Les premiers articles mentionnant Esther Duflo, notre tout nouveau Prix Nobel d’économie, dans ce blog remontent à 2010. Pourquoi ? Parce qu’Esther Duflo a mis au point une méthode dite “d’évaluation aléatoire” qui a obtenu des résultats remarquables dans la lutte contre la pauvreté et nous avons pensé alors que cette méthode devait être appliquée à l’école. Cette pensée n’avait d’ailleurs rien d’original, Esther Duflo avait obtenu en Inde, avec des moyens très faibles, plus de renseignements sur les usages du numérique que dans tous les pays développés. Par exemple, expliquait-elle :
“Lorsque l’on compare les écoles équipées en informatique avec les autres, on constate que les élèves ont de meilleurs résultats dans les premières. Mais est-ce vraiment dû aux ordinateurs ? La différence de résultats ne s’explique-t-elle pas plutôt par le fait que ce sont généralement des écoles urbaines, déjà relativement favorisées, qui sont équipées en ordinateurs ?
Une expérimentation permet d’isoler l’impact réel des ordinateurs. Dans une ville indienne, toutes les écoles en étaient équipées, mais généralement, ils restaient dans leur boîte, parce que les enseignants n’étaient pas formés ou ne disposaient pas des logiciels appropriés. Nous avons sélectionné un groupe d’écoles de manière aléatoire et avons mis à leur disposition un formateur et des logiciels de mathématique, de sorte que tous les enfants bénéficiaient de quelques heures d’informatique par semaine. Un an plus tard, nous avons comparé les performances. Les écoles qui avaient pu utiliser les ordinateurs recueillaient de meilleurs résultats en mathématique.
De nombreuses expériences peuvent être menées dans le domaine de l’éducation, permettant de tester l’impact de facteurs fort divers. Une étude a par exemple montré que l’embauche d’une personne chargée du soutien scolaire a un impact équivalent à l’achat d’ordinateurs, tout en étant bien moins onéreuse.“
La méthode d’évaluation aléatoire.
La méthode aléatoire repose sur des évaluations faites sur des petits groupes (quelques centaines d’élèves) dont les caractéristiques sont identiques au départ. Un de ces petits groupes adopte un “processus nouveau” (par exemple il va utiliser une méthode de lecture nouvelle jugée prometteuse). On compare ensuite, sur des critères précis, la performance de ces groupes (rapidité de lecture, compréhension, etc.
Nous avons essayé de systématiser cette “méthode aléatoire” dans le logiciel “Je Lève La Main” en la rendant facile à utiliser par tout enseignant. ainsi les expériences pédagogiques peuvent être multipliées et l’éducation rentre dans l’ère de la science expérimentale. C’est en ce sens que nous avons qualifié le logiciel “Je Lève La Main” de tube à essai pédagogique ou même, de façon un peu pompeuse, on ne se refait pas, de logiciel le plus important depuis que l’école a été inventée.
Esther Duflo au Conseil Scientifique de l’EN
A noter que Esther Duflo est aussi membre du Conseil Scientifique de l’Education Nationale. Ce conseil scientifique, dont l’action principale a été la mise en oeuvre d’un remarquable (1) processus d’évaluation à l’école primaire est en quelque sorte une illustration par l’exemple de ce que j’écrivais en 2010:
Les processus d’évaluation actuels sont lourds, coûteux, longs et ne peuvent pas influencer les politiques d’éducation. En les remplaçant, ou en les complétant, par un grand nombre de micro-évaluations aléatoires peu coûteuses, rapides à effectuer, bien ciblées et déterminées avec méthode, on peut disposer d’un outil remarquablement efficace, permettant d’obtenir des premiers résultats en quelques mois, d’infléchir les politiques et de mieux dépenser l’argent public.
En savoir plus sur la méthode aléatoire
(1) remarquable mais très critiqué car peu compris. Voir par exemple “Faut-il boycotter les évaluations de CP / CE1” ?
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