On apprend bien mieux dans un livre que sur un écran

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De multiples études récentes – et à mon sens déterminantes – ont montré depuis 5 ans qu’on apprend mieux dans les pages d’un livre qu’en visionnant un écran (1). Pour en résumer l’essentiel:

  • la compréhension d’un même texte est meilleure quand il est lu sur du papier que sur un écran. Plus le texte a un contenu abstrait, plus l’écart de compréhension grandit.
  • la mémorisation à court, moyen et long terme est meilleure quand un texte est lu sur du papier
  • la supériorité du livre est probablement due à son côté physique, qui faciliterait la compréhension (2)

Qu’en pensent les élèves ?

Les élèves sont pourtant d’un avis tout à fait contraire ! Si on les interroge, la plupart ont l’impression de mieux comprendre le texte sur l’écran que dans un livre ! D’une façon générale:

  • Les élèves préfèrent lire sur tablette
  • Ils lisent plus vite en ligne que sur papier
  • Ils pensent mieux comprendre ce qu’ils lisent sur un écran, mais cette impression est démentie par toutes les études
  • Pour répondre aux questions très générales telles que “quel est le sujet principal de ce texte ?”, le papier et l’écran sont équivalents
  • Pour les questions plus spécifiques, pour les textes plus complexes, la compréhension est meilleure après lecture du livre que sur l’écran.

Conclusion: il faut cesser de s’intéresser au “ressenti” des élèves

Malheureusement, la plupart des études que j’ai pu voir circuler, depuis des années, sur l’évaluation de nouvelles méthodes pédagogiques ne s’intéressent en rien au niveau acquis par les élèves, mais à leur ressenti, à leur satisfaction. On confond allègrement savoir et satisfaction sans oublier bien sûr “le vécu des parents” ou la fameuse “satisfaction du corps enseignant” – tout ceci mélangé jusqu’à la nausée dans une sorte de purée démagogique. Une phrase du fameux rapport Fourgous sur les TICE en 2012, (rapport depuis longtemps oublié, je dois être le seul survivant à en connaître encore quelques passages par cœur), me revient en mémoire : “Il FAUT utiliser les technologies de l’information à l’école parce qu’elles satisfont “les élèves, les parents, les professeurs” !

La satisfaction de l’élève n’est pas l’objectif de l’école, surtout si elle s’oppose à la progression de l’élève. Les objectifs prioritaires de l’école : la transmission du savoir et la transformation de l’élève en citoyen. C’est selon ces deux critères qu’on doit évaluer l’intérêt des nouvelles technologies à l’école, et surtout leur rapport qualité/prix. Dépenser des milliards pour “satisfaire” le monde éducatif, c’est du gaspillage pur et simple. (Il est évidemment nécessaire d’intéresser l’élève pour qu’il apprenne mieux, il est nécessaire de rassurer les parents, il est nécessaire de valoriser les professeurs. Mais ces éléments sont des moyens, non des fins.)

 

 

(1) Baron, N. (2016). Why digital reading is no substitute for print. New Republic.  https://newrepublic.com/article/135326/digital-reading-no-substitute-print

Connell, C., Bayliss, L., & Farmer, W. (2012). Effects of eBook readers and tablet computers on reading comprehension. International Journal of Instructional Media. 39(2), 131–140.

Cull, B. W. (2011). Reading revolutions: Online digital text and implications for reading in academe. First Monday, 16(6).  http://firstmonday.org/ojs/index.php/fm/article/view/3340

Jabr, F. (2013). The Reading Brain in the Digital Age: The Science of Paper versus Screens. Scientific American. Retrieved from https://www.scientificamerican.com/article/reading-paper-screens/

Kaufman, G., & Flanagan, M. (2016, May). High-low split: Divergent cognitive construal levels triggered by digital and non-digital platforms. Proceedings of the 2016 CHI Conference on Human Factors in Computing Systems, 2773-2777. http://www.tiltfactor.org/wp-content/uploads/2017/02/2016-tiltfactor-chi-digital-nondigital.pdf

Mangen, A., Walgermo, B. R., & Brønnick, K. (2013). Reading linear texts on paper versus computer screen: Effects on reading comprehension. International Journal of Educational Research, 58, 61-68.  http://www.ore.org.pt/filesobservatorio/pdf/ReadingonPaperVsScreencomputerScreen.pdf

Santana, A. D., Livingstone, R. M., & Cho, Y. Y. (2013). Print readers recall more than do online readers. Newspaper Research Journal, 34(2), 78-92. Retrieved from https://www.academia.edu/6572113/Print_Readers_Recall_More_Than_Do_Online_Readers?auto=download

Singer, L, M., & Alexander, P. A. (2017; Online first). Reading on paper and digitally: What the past decades of empirical research reveal. Review of Educational Research, 1–35. doi:10.3102/0034654317722961

Alexander, P. A., & Singer, L. M. (2017). A new study shows that students learn way more effectively from print textbooks than screens. Business Insider.  http://www.businessinsider.com/students-learning-education-print-textbooks-screens-study-2017-10?international=true&r=US&IR=T

(2) Pourquoi lit-on mieux dans un livre ?

Probablement, le côté physique du livre facilite la compréhension. On voit quand le livre commence, quand il finit. On sait intuitivement, par l’évolution de la répartition de son poids “gauche/droite” où on en est dans le livre. Une carte mentale se crée inconsciemment qui permet de positionner chaque passage de façon topographique. Esprit et corps sont en relation. (Voir les travaux de Mangren, de Jabr ou de Baron, ci-dessous). Et si on avait un peu de temps pour ça, on investirait certainement, chez Speechi, dans cette recherche qui paraît assez simple: comment “augmenter” l’interface de lecture d’une tablette de façon à restituer au lecteur l’expérience physique que procure un livre ? Et de quelle façon l’interface de lecture joue-t-elle sur la compréhension d’un texte ? On le fera peut-être un jour, d’ailleurs.

(3) Source principale d’inspiration ici : https://3starlearningexperiences.wordpress.com/2017/11/21/paper-or-screen-for-comprehension-and-learning/

(1) commentaires pour "On apprend bien mieux dans un livre que sur un écran"

  1. Merci Thierry pour ce rappel. Le cerveau humain est (encore) très attaché aux mouvements de la main et à l’usages de pages à défier de droite à gauche (du moins en Occident).
    A rapprocher de la mémorisation supérieure pour la prise de note manuelle, je n’ai qu’à citer ton article de 2014
    https://www.speechi.net/fr/2014/04/28/la-prise-de-notes-manuscrites-aide-a-comprendre-un-cours/
    Combien de temps faudra t-il au cerveau pour s’adapter au numérique, voir à la disparition possible de l’usage de l’écriture ?

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