#JeNeSuisPasChien

Ulysse, après 20 ans d’absence, revient à Ithaque. Il revient mais personne ne le reconnaît.

La première personne à le reconnaître est sa vieille servante Euryclée.  Encore cette reconnaissance n’est elle pas immédiate. Euryclée a croisé Ulysse plusieurs fois sans rien remarquer et ce n’est qu’un signe externe qui attire son attention. En lavant Ulysse, elle remarque sur sa jambe une blessure de jeunesse faite par un sanglier. C’est ce signe uniquement qui lui révèle la présence de son maître.

Ulysse ne s’est pas trahi par un geste, une expression, son comportement. D’Ulysse, Euryclée n’a reconnu qu’un « motif » externe, elle ne  le reconnaît que comme le gendarme peut le faire lorsqu’il contrôle votre identité. C’est une forme de reconnaissance très superficielle : le gendarme connaît votre nom, qualité, date de naissance, mais au fond, il ne connaît rien de vous. Il ne sait pas réellement qui vous êtes, quels sont vos sentiments, vos désirs. Il ne vous connaît pas en tant qu’homme.

Sa femme Pénélope ne l’a pas non plus reconnu. Et même après qu’Ulysse s’est révélé à tous, après que tout le monde a compris qui il est vraiment, elle continue à douter et elle le teste. Elle lui demande de déplacer leur lit et Ulysse lui répond que c’est impossible puisque il a lui-même creusé ce lit dans l’énorme tronc d’un arbre toujours vivant. Pénélope reconnaît alors Ulysse et cette reconnaissance, bien que tardive, est beaucoup plus profonde que celle d’Euryclée. Pénélope reconnaît Ulysse grâce aux souvenir partagés et Homére écrit qu’ils poursuivent la nuit en se racontant les aventures des vingt années qui les ont séparées.

Pour Homère, ce qui nous rassemble, ce qui fait qu’on se connaît réellement, ce sont les souvenirs communs. Ulysse et Pénélope passent donc une partie de la nuit à se re-connaître au sens propre, c’est-à-dire à combler les trous de leur mémoire, à re-synchroniser leur stock de souvenirs.

Ce qu’aucun être humain n’a été capable de faire, le chien d’Ulysse l’a fait et Homère nous précise qu’il l’a fait tout de suite. Argos, vieux chien négligé qui repose sur un tas de fumier, reconnaît instantanément et sans aucune ambigüité son maître – personne ne sait comment ni pourquoi. Et il le reconnaît profondément, il sait très bien qui il est. Chien et maître partagent de nombreux souvenirs de chasse, Ulysse pleure, le chien remue la queue et meurt de joie. Pour ce qui est de reconnaître, le chien est bien supérieur à Euryclée, à Pénélope, à tous les êtres humains.

Françoise Dolto : « il y a des choses que seuls les chiens et les enfants peuvent comprendre ».

Alors, c’est vrai, #JeNeSuisPasChien, mais parfois je trouve ça un peu dommage.

A Diesel.

Iolaos

(1) commentaires pour "#JeNeSuisPasChien"

  1. Thierry,
    Merci pour ce message plein d’humanité, même s’il évoque des animaux…
    Comme vous #JeNeSuisPasChien, mais souvent je le regrette.
    Une pensée pour tous et pour Diesel et son maître
    Jean-Louis

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