L’école des fans (“Après Charlie”).

NotesAlors que tout, depuis trois ans, laissait à penser que les notes chiffrées allaient être éliminées dans le primaire, Najat Vallaud-Belkacem a par avance désavoué la commission qui, ayant été constituée par le Ministre précédent, Benoit Hamon, pour teinter cette volonté politique d’un zeste d’objectivité, venait de se prononcer, en toute indépendance comme il se doit, en faveur de leur suppression.

Il fallait la désavouer à l’avance pour éviter le couac qu’aurait pu, aujourd’hui, entraîner une telle annonce. Après Charlie, tout le pays sent bien qu’il n’est plus possible – et même qu’il est dangereux –  de continuer à emmener 80% d’une classe d’âge au bac sans aucun “contrôle qualité” : l’école a pour but de former des citoyens et non pas de gérer du cheptel humain.

Et de la soi-disant “évaluation bienveillante” (au fond, ni plus ni moins qu’une expression précieuse, pompeuse pour dire “école des fans“) à l’école des fanatiques, la distance n’est pas si grande car l’école des fanatiques, c’est avant tout l’école de l’ignorance, celle où l’on n’a rien appris.

Ce serait d’autant plus dommage d’éliminer la notation aujourd’hui que celle-ci est paradoxalement en train de devenir de plus en plus utile.

La révolution numérique à l’école, ce ne sera pas, contrairement à ce qu’on croit souvent, l’introduction de nouveaux usages de type tableaux interactifs ou tablettes ou l’introduction de nouvelles pédagogies de type MOOC (ceux-ci n’ont que peu ou pas d’influence sur le niveau des élèves), mais bien la mise en œuvre systématique, massive de techniques d’évaluation permettant d’améliorer en permanence l’enseignement.

Ces nouvelles techniques sont en train de faire entrer l’enseignement (art qui n’a que peu évolué dans les 2 500 dernières années) dans le domaine des sciences expérimentales. Elles seront l’objet de mes prochains billets.

 

(5) commentaires pour "L’école des fans (“Après Charlie”)."

    • Bonjour,
      Je n’ai pas grand chose à dire sur cet article. A moins que votre suggestion ne soit d’abandonner la note au prétexte qu’elle est parfois imparfaite, parfois mal interprétée (ce dont tout le monde est évidemment bien conscient)… Toute mesure est de toutes les façons imparfaite ainsi que tout outil. A-t-on abandonné l’usage du marteau au prétexte que parfois il ne sert qu’à se taper sur les doigts ?

  1. bonjour,

    Si j’apprécie, d’habitude, vos billets de blog, eh bien celui-ci fait exception.

    Vous confondez “suppression de la note chiffrée sur les copies” avec “élimination de toute forme de notation”.
    Or c’est faux : au contraire, il s’agit de remplacer un mode de notation inadapté par une autre forme de notation plus plus fine, riche, utile.

    Quand j’ai lu que passer d’une note chiffrée globale à une évaluation par compétences était maintenant perçu comme “la perte de l’image du statut républicain de l’école” et n’est donc, suite à l’attentat à Charlie Hebdo, plus d’actualité, j’ai trouvé cela navrant et surréaliste. Que vous relayiez à votre tour une telle ineptie m’étonne et me consterne.

    Que “évaluation bienveillante” soit assimilé à “faire croire que les élèves sont bons alors qu’ils n’ont rien appris”, c’est méconnaître pour ne pas dire mépriser le travail des enseignants qui s’emploient à essayer de mettre leur élèves en situation de réussite, via une évaluation formative et non plus seulement sommative.

    Prenons un enfant qui apprend à faire du vélo.
    La première fois, il tombe : 0/20.
    On s’arrête là ?
    Avec la notation traditionnelle, en général, oui.
    C’est ce que vous préconiseriez, semble-t-il.
    A moins que dans un élan de bienveillance vous lui donniez une 2ème chance ?
    Zut, il retombe : 0/20.
    Allez, une 3ème chance.
    Il retombe : 0/20.
    Une dernière chance ?
    Il y arrive : ça y est, il y arrive, 20/20.
    Et alors vous lui mettrez 5/20 de moyenne, n’est-ce pas ?
    Vive la notation traditionnelle que vous préconisez !!!
    Personnellement, dans la vie, je ne crois pas que cela se passe ainsi.
    Quel parent n’est pas fier et heureux de voir les progrès de ses enfants ?
    Quel parent irait mettre 5/20 à son enfant qui sait faire du vélo ?
    L’important, c’est qu’il sache faire du vélo, me semble-t-il.
    Et que tout parent va aller féliciter son enfant de savoir faire du vélo.

    Vous trouverez depuis le site sacoche.sesamath.net de la lecture à ce sujet.
    En particulier à la rubrique Comptes-rendus & Reportages.
    Ou encore plus modestement la rubrique Conférence nationale sur l’évaluation des élèves, puisque c’est l’objet de votre billet.

    Lisez l’ensemble, je vous prie, avant de revenir dénigrer trop vite le travail des enseignants qui innovent dans leur pratiques d’évaluation.

  2. Merci pour votre retour. C’est normal que nous ne puissions pas être toujours d’accord. Quelques points cependant (avant de lire vos liens):

    D’abord, votre exemple sur le vélo me semble caricatural et “discours officiel” (puisqu’on me le ressort très souvent). Evidemment, une telle notation n’est pas ce qu’on cherche.

    Je vous parle d’abord en tant que parent, l’évaluation par compétences aboutit à une multiplication de critères incompréhensibles qui font au final obstacle à l’évaluation du niveau réel de l’enfant. Ils sont bien moins informatifs que les notes, surtout si les notes sont motivées.

    Tout n’est pas compétence, binaire, avec un 0 ou un 1 à la clé (cf votre exemple sur le vélo). Les langues, les maths, le français, l’histoire… se jugent avant tout par niveau atteint. L’intuition qu’on peut avoir en maths pour résoudre un problème, la capacité qu’on peut montrer en Histoire pour analyser une situation politique tiennent de l’art plus que de la compétence. L’évaluation par compétences pour ces matières aboutit au final, dans la plupart des cas, à une volonté de ne pas juger (c’est à dire, pour moi, à un refus du professeur d’être à sa place). Donc “pas de notation” ou “évaluation par compétences” (au sens où l’entend l’EN), c’est pour moi presque la même chose.

    Même les compétences peuvent se noter, c’est ce que fait “instinctivement” un prof de Maths qui note une copie. Ainsi supposons 10 compétences à évaluer, si l’élève en maîtrise 8, on peut lui mettre 8 / 10. Au final, on constate donc que tout enseignant, comme Mr Jourdain, note souvent par compétences sans le savoir ! (Mais j’insiste: il note !). Et que derrière l’évaluation par compétences, il y a avant tout la volonté de ne pas évaluer, c’est à dire pour moi, de ne pas savoir. Or pour moi, savoir (même imparfaitement) reste toujours préférable.

    Enfin, accordez moi au moins que je ne dénigre pas les enseignants…

    • Quel dommage !
      Quel dommage que vous commenciez par répondre en répétant les mêmes arguments avant de vous renseigner davantage…

      Vous évoquez une évaluation binaire : ce n’est pas le cas.
      Chaque item est évalué sur une échelle à 4 niveaux.

      Vous évoquez “une volonté de ne pas juger”.
      Comme c’est étrange, c’est justement tout le contraire.
      En évaluant par compétence on note, bien plus qu’avant, bien plus fréquemment, bien plus finement.

      Vous évoquez “en tant que parent […] une multiplication de critères incompréhensibles […] bien moins informatifs que les notes”.
      Je ne suis pas seulement enseignant, je suis aussi parent.
      Quand ma fille était en CP, elle s’est retrouvé résumée à la fin du trimestre par une moyenne sur 20, arrondie au centième près.
      Genre 17,82 / 20.
      Si vous trouvez cela informatif, tant mieux, mais pas moi.
      Au contraire, j’ai frémi.
      Et encore, mon enfant ne s’est pas vu réduit à un 13,67/20 ou un 9,51/20 ou un 6,74/20…
      Quand à savoir ce qui se cache derrière un 10/20… mystère…
      Aujourd’hui, heureusement, les pratiques ont changé.
      On dispose d’un relevé d’items détaillé, où l’on peut suivre les points forts et les points faibles de l’enfant, encourager les réussites, retravailler ce qui doit l’être…
      Pour nous, en tant que parents, c’est bien plus riche d’informations.
      Mais si vous n’y comprenez rien de votre côté, tant pis, je ne chercherai pas à vous convaincre.

      Bonne continuation.

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