Pourquoi le niveau baisse ? C’est la faute à Bourdieu !

 

Depuis que Bourdieu a remarqué que la sélection scolaire est culturellement et socialement biaisée, on a abandonné progressivement toute demande liée au niveau ou au travail personnel des élèves  au prétexte que les environnements sociaux permettant, par exemple, l’exécution d’un travail personnel sont culturellement favorisés.

La constation de Bourdieu est au fond une tautologie car les enfants héritent de leurs parents dans tous les domaines de l’activité humaine, et non pas seulement dans le domaine scolaire ou intellectuel. Le fils de Zinedine Zidane joue mieux au football que la moyenne, le fils de Guy Bedos est plus drôle que la moyenne, etc…

Bourdieu a eu l’idée “géniale” de qualifier le terme d’héritage du capital culturel pour stigmatiser l’héritage des qualités scolaires, en l’assimilant à l’héritage du capital financier “classique” dans l’esprit du public. Ce faisant, il a commis un véritable abus de langage et a agi en militant et non pas en philosophe. Car, alors que l’héritage au sens courant du terme n’a pas de justification éthique forte (l’enfant le reçoit à cause de sa naissance et non pas à cause de ses qualités intrinsèques), l’héritage du capital culturel, qui est non pas une rente mais le fruit d’un long travail s’étalant sur environ 20 ans et appelé “éducation”, est sans doute une des formes de transmission les plus bénéfiques pour la société et une des activités les plus nobles de l’homme.

L’héritage financier pourrit très souvent les héritiers, l’héritage intellectuel les élève de façon réelle et objective en transformant leurs qualités individuelles. L’héritage culturel (sportif, scolaire, etc…) est une caractéristique unique, peut être la plus haute qualité de l’espèce humaine sans qui nous serions tous des “premiers hommes”, au sens où l’entend Camus.

“Il lui avait fallu apprendre seul, grandir seul, en force, en puissance, trouver seul sa morale et sa vérité, à naître enfin comme un homme pour ensuite naître aux autres, aux femmes, comme tous les hommes nés dans ce pays et qui, un par un, essayaient d’apprendre à vivre sans racines et sans foi et qui tous ensemble aujourd’hui où ils risquaient l’anonymat définitif et la perte des seules traces sacrées de leur passage sur cette terre…”

La confusion volontaire de Bourdieu conduit à la haine et à la destruction de tous les diplômes, vus comme les symboles des injustices de classe plutôt que comme la reconnaissance des qualités individuelles des élèves (or, ces qualités individuelles sont évidemment liées au milieu d’origine mais restent cependant des qualités réelles et objectives, évaluables à l’aveugle lors des examens et concours).

On a préféré faire baisser le niveau général des élèves plutôt que de mettre les moyens nécessaires en place pour faire monter celui des élèves les plus défavorisés socialement. La notion même de mérite scolaire est devenue suspecte comme si elle s’opposait au principe d’égalité.

Mais à quoi doit servir l’école ? Partant de la constatation que pour certains enfants, la transmission culturelle ne peut s’effectuer,elle doit permettre au plus grand nombre de bénéficier, quelle que soit leur origine sociale, d’un milieu aussi favorable que possible au développement de leurs qualités scolaires. L’école républicaine part de la constation que l’héritage culturel est non seulement un processus positif louable mais aussi un droit pour tous.

Toujours Camus, “premier homme” sauvé de l’ignorance par son professeur, quand il reçoit le prix Nobel:

Cher Monsieur Germain,
Sans vous, sans cette main affectueuse que vous avez tendue au petit enfant pauvre que j’étais, sans votre enseignement et votre exemple, rien de tout cela ne serait arrivé.
Cet honneur là est du moins une occasion pour vous dire ce que vous avez été et êtes toujours pour moi et pour vous assurer que vos efforts, votre travail et le coeur généreux que vous y mettiez sont toujours vivants chez un de vos petits écoliers qui, malgré l’âge, n’a pas cessé d’être votre reconnaissant élève.
Je vous embrasse de toutes mes forces.

L’école ne doit pas empêcher les élèves de développer leurs qualités scolaires en les privant de la possibilité d’étudier comme c’est le cas depuis une vingtaine d’années.

Les programmes ont été allégés de façon indécente, j’en ai pris conscience en jetant un coup d’œil cet été à mes vieux cours de maths et de physique de Terminale. En conséquence, il y a une vraie explosion du secteur privé parce que les parents ne peuvent se résoudre, à juste titre, à ce que leurs enfants perdent leur “capital culturel”.

Et les technologies numériques, qui vont avoir pour conséquence, entre autres, que le lieu d’éducation ne sera plus à 100% confondu avec l’école, vont encore accélérer la fragilisation du public, le développement du privé et, partant, créer de plus en plus d’inégalités graves – on va vers un secteur public “à l’américaine”, où les écoles publiques sont des écoles de niveau inférieur, des choix “à défaut d’autres possibilités”.

Pour paraphraser Churchill, vous avez voulu l’égalité en sacrifiant le niveau scolaire? Vous aurez bien un niveau scolaire de plus en plus bas ! Et vous aurez en outre encore plus d’inégalité !

L’exemple actuel des classes préparatoires est très significatif de l’entreprise de destruction actuelle de l’école. Le Ministre de l’Education Nationale oppose encore une fois la notion d’excellence scolaire, qui serait soi-disant conservatrice, à la notion d’égalité.

“Les conservatismes, voire les élitismes, sont en train de s’organiser. Attention à certains amis des classes préparatoires des grands lycées, attention par rapport aux jeunes de banlieue ou d’ailleurs qui sont en difficulté scolaire”. 

Ainsi, les classes préparatoires sont vues comme en quelque sorte comme responsables des difficultés scolaires des jeunes de banlieue. Une telle déclaration n’est qu’un gloubi-boulga idéologique car et la notion d’excellence et celle d’égalité sont des idées de progrès qui ne peuvent être opposées l’une à l’autre. Le rôle bien compris de l’école serait de faire en sorte qu’un maximum de jeunes de banlieue puisse accéder aux prépas. N’y arrivant plus, elle se cherche partout des boucs émissaires.

Et, paradoxalement, alors que les études PISA publiées aujourd’hui vont à nouveau montrer l’affaiblissement scolaire du pays, le Ministre va s’en servir de façon rhétorique pour justifier toujours plus de mesures qui continueront à affaiblir l’école en prenant comme prétexte “la lutte contre les injustices”.

Il y a un côté tragique à voir que l’école publique est détruite de façon très sûre à la fois par la Droite, qui ne s’y intéresse pas et par la Gauche qui s’y intéresse mal.

 

(10) commentaires pour "Pourquoi le niveau baisse ? C’est la faute à Bourdieu !"

  1. Votre billet résume mon désarroi face aux solutions éducatives publiques actuelles. Suivant de prés la scolarité de mes 3 enfants depuis 15 ans, le travail de compensation à la maison des lacunes du système tant sur le plan des contenus (qui en deviennent aberrants: par exemple le cours de physique s’appuyant sur des notions mathématiques relèguées à l’année suivante en maths,…) que de l’émulation (‘mais maman, si je lève la main pour dire que c’est une racine carrée, la prof de maths me répond que je ne suis pas un chien savant’) est devenu une bataille quotidienne, me faisant m’interroger sur la nécessité d’aller à l’Ecole pour mon dernier enfant, le temps qu’il y passe ne lui apportant ni méthode, ni gout du travail, ni confiance en lui (tout le monde est pareil) , ni envie d’apprendre – autant d’armes pour sa vie d’adulte, quelle qu’elle soit – le plongeant insidieusement dans un état de passivité et de mimétisme inquiétant, lui qui était toujours vif et enthousiaste. Le collège en particulier sappe toute envie, la notion de compétition étant devenue taboue. Le bilan est terrible: en classe de 3e, les conjugaisons ne sont pas encore claires en français, la grammaire est confuse, l’orthographe aléatoire. De fait, les exercices de dictée et de rédaction individuelle, puissants biais d’apprentissage, ont disparu en français… alors qu’ils s’imposent progressivement en langues vivantes! En mathématiques, le socle de calcul numérique n’est pas réinvesti régulièrement, donc fragile. En histoire, la mégapole de Tokyo et ses concepts complètement abstraits à cet age: siège de grand groupe, services financiers, sociétés de services… représentent un effort de mémorisation intense dépourvu de sens, comme la mémorisation des acronymes ORSEC, PLU, etc… en classe de 4e.
    Et le post-bac? Interrogeant il y a deux ans un professeur chargé de la sélection des dossiers de prépas sur ses critères de choix, il m’avoua que les dossiers étaient filtrés d’abord par lycée d’origine, les notes ne voulant plus rien dire, ni les résultats au bac. Pourquoi ne pas le dire aux parents et surtout aux enfants, et entretenir ce mythe absurde de l’égalité des chances? Quelle désillusion pour un jeune entretenu dans la certitude qu’il n’y avait jamais de sélection, de ne pas obtenir à 18 ans ce qu’on lui avait laissé entendre comme un ‘choix possible’!
    En fin de parcours, que dire du marché du travail: les diplomes, servant autrefois de référence qualitative aux recruteurs, ne valident plus rien. On s’en remet donc au copinage pour embaucher. Qui perd à ce jeu?
    Pour résumer, je rappelle juste une conversation eue avec un agriculteur voici peu, qui contestait l’ accompagnement scolaire de mes enfants: ‘- pourquoi t’occupes-tu des devoirs? Un enfant ne doit pas etre aidé!’ ce à quoi je lui ai répondu: ‘tu donneras tes terres en partage à tes enfants, un commerçant lui transmettra son commerce, un homme politique son réseau relationnel, moi je n’ai rien d’autre à transmettre que mon bagage scolaire et mes valeurs’. Je rejoins là votre propos, dépossédée de mon rôle de transmission par le système éducatif qui prône l’effacement face au groupe et la négation de la combativité, à l’encontre des nécessités de la guerre économique que nous traversons, et qui, plus grave, ment quotidiennement aux enfants sur leur possible avenir.

  2. Je ne peux vous laisser dire que la droite ne s’interesse pas à l’école, les parents sont bien conscients de l’obligation de résultats de l’école. La droite porte des exigences de travail qui vont dans le sens de la réussite scolaire.

  3. La droite en tant que puissance de gouvernement ne s’est pas intéressée à l’école depuis plus de 10 ans, si ce n’est pour des raisons budgétaires. Evidemment et heureusement, pour beaucoup de personnes de droite, l’école est très importante. De même, si la gauche en tant que puissance politique se débrouille très mal avec l’école, il y a beaucoup de personnes de gauche, et je pense particulièrement aux professeurs, qui font beaucoup pour elles (surtout ceux qui n’ont pas lu ou pas compris Bourdieu !).

  4. Pourquoi seule la France s’entête avec les classes prépa qui n’existent que seulement ailleurs dans nos anciennes colonies ?
    Tout le monde est d’accord pour dire que le coût de ces classes est plus élevé que celui de la masse entrant à la fac. N’est ce pas transmettre au frais de la société toute entière une éducation d’élite pour les enfants de cette même élite (pour une très grande part) ?

    • Rien n’est plus cher que la fac, qui produit du chômage parce que (pour simplifier) elle ne forme pas et ne sélectionne pas. Je reçois des BAC + 5 qui ne savent pas écrire – les 5 années de fac que la collectivité a financé pour eux sont du pur gâchis. Fermez les classes prépa et vous ne tirerez rien de plus du système universitaire, qui est lourd, périmé, dépassé et inefficace. Alors que former des bons élèves, c’est toujours cadeau pour la collectivité. Quant au fait que les classes prépa ne sont pas assez brassées socialement, c’est le problème de l’école qui vient avant, pas des classes prépa qui ne font “que” former les meilleurs élèves.

  5. Si je suis très enthousiaste sur l’utilisation de vos produits 5 années d’utilisation quotidienne (TBI) dont je suis devenu spécialiste et référent dans mon académie, je me permet de vous transmettre une autre analyse… Celle de Samuel Johsua.

    A force de parler de “baisse de niveau” on passe à côté des éléments vraiment nouveaux. Depuis que “le niveau baisse” (je renvoie à Platon et à Cicéron) encore heureux qu’il y en ait un, de niveau. Sauf que… Un élève de CM2 (tous, mêmes les plus faibles) sont “plus forts” que Cicéron en mathématiques. Simplement parce que le Romain ne disposait pas de la numération de position, à base 10 qui plus est. Et pas plus du zéro. Il est impossible de “poser une addition” (même 12 plus 21) avec des chiffres “romains”.
    Il faut donc comparer ce qui est comparable. L’illettrisme “profond” est stable depuis plus d’un siècle (on a, pour les garçons, une longue série venue des tests du service militaire, puis des études massives de l’Insee) et, récemment de plus, touche surtout des populations qui n’ont pas été scolarisées en France métropolitaine (lesquelles se renouvellent régulièrement par l’immigration). Les compétences en orthographe sont en baisse régulière depuis la fin de la guerre (avec une stabilisation, et même une petite remontée très récemment). Tout simplement parce que le temps qui y est consacré a fortement diminué. Mais, comme pour Cicéron, c’est remplacé par autre chose. Dans le domaine du “français”, pendant longtemps, le primaire fut l’ordre “de la dictée”, le secondaire celui “de la rédaction”. Cette coupure a disparu, et nos élèves du primaire s’expriment par écrit. Donc une moitié de la population qui ne le faisait pas avant (on a jamais eu plus de 50% de réussite au Certif en France) le fait désormais. Certes avec des fautes d’orthographe massives. Mais assez pour surfer sur Internet et y produire : vous voyez Cicéron faire ça? Et même Goethe tiens, l’orthographe allemande n’ayant été stabilisée que tardivement (chez nous le branle est donné par l’Edit de Villers Côteret de François Premier).
    Sans rentrer dans les détails, la panoplie de ce qui est demandé en mathématiques a été bouleversée. En particulier quand on a laissé tomber les exercices “par modèle” (un exercice de “marchand de vins” pour les mélanges, où la technique n’était jamais justifiée, mais apprise automatiquement ; l’intérêt de ceci a de toute manières disparu avec les calculettes et internet, qui font ça bien mieux). Et qu’on a décidé qu’il fallait “comprendre”.
    Les exigences ont donc profondément augmenté, quelle que soit la discipline. Les moyens de soutenir cette augmentation n’ont pas suivi, en particulier dans la croyance (propre à des gens comme Meirieu effectivement) qu’aucun outillage n’était nécessaire pour une telle “créativité” (c’est ce que montre Terrail et bien d’autres).
    Mais tout de même. Jusqu’au milieu des années 90, en tenant compte de tous les facteurs, on pouvait raisonnablement défendre que “le niveau continuait à monter”, en particulier par un effet automatique de masse, par la poussée des filles et la généralisation de la scolarisation jusqu’à très tard (85% d’une génération est scolarisée à 18 ans). Avec des inégalités maintenues : la croissance chez les plus forts excédait de beaucoup celle chez les plus faibles. Mais elle avait lieu aussi chez ceux-ci. L’élément nouveau, dramatique, est que ceci est terminé. Pour la première fois dans l’histoire éducative du pays, les catégories les plus faibles baissent sur maintenant deux générations. Ce n’est jamais arrivé en 3 siècles.
    Le “niveau moyen” n’a pas grand intérêt (de plus il y a très peu d’écarts entre les pays, sauf aux deux bouts). Surtout en maths et mesuré par Pisa. Lequel, pour pouvoir comparer, élimine la rédaction des problèmes (la justification du résultat, hypothèse, théorème, calcul, résultat) qui dès la 5ème, et surtout la 4ème est au coeur de notre enseignement en France. D’autres études, plus spécifiques aux maths et plus globales ne donnent pas les mêmes résultats. En revanche, à méthode d’enquête égale (et d’ailleurs réellement améliorée) Pisa montre une dégradation spécifique des plus faibles en France.
    Au lieu de la longue déploration sur “le niveau” en général, c’est ceci, un scandale angoissant, qui doit polariser les énergies. Comprendre pourquoi. De la cassure du pacte éducatif (je travaille à l’école, j’ai du boulot), de la faiblesse de l’aide aux parents et de l’aide aux élèves, du nombre d’élèves par classe, de la destruction de l’enseignement avec l’entrée “par les compétences”, des délires pédagogiques où on va “résoudre des problèmes” avec la moins de bases possibles à la réflexion sur les programmes eux-mêmes.
    En toute amitié

    Samy Johsua

  6. @Mimran “Joshua”,

    D’abord de façon très générale, je ne lis rien dans votre texte qui soit incompatible avec ce que je pense moi-même. Ce n’est pas pour moi une autre analyse mais un autre éclairage. Voilà pour l’essentiel.

    De façon plus spécifique sur un certain nombre de points:
    – Il ne faut pas confondre les avancées de la société avec le savoir intellectuel des élèves. Oui, Cicéron ne surfait pas sur Internet. Mais l’école ne peut pas se gargariser du fait que les élèves puissent le faire. Il n’y a aucun savoir de l’élève, aucun “déplacement de compétences” derrière tout ça, au contraire, il y a peut être une aliénation d’usager contre laquelle l’école ne protège pas assez les élèves (autre sujet !). De même pour la numération de position, cela ne correpond pas à un savoir mais à une évolution scientifique presentant un intérêt pratique (paradoxalement, il y a surtout création de “savoir” et début de connaissance mathématique lorsque l’élève apprend à compter AUSSI en chiffres romains).

    – il faut s’entendre aussi sur l’objectif de l’école, qui est pour moi de créer des citoyens capables d’action dans le monde de demain. Aux âges dont on parle (avant le bac), parler de formation professionnelle au nom d’un soi-disant “intérêt économique” me semble très réducteur. L’école doit avoir pour but de former des “intellectuels” (ou du moins de tirer le maximum des capacités intellectuelles de chacun), c’est ça son ambition. Et c’est au nom de cette formation qu’on apprend des savoirs a priori inutiles (orthographe, apprendre par coeur…) qui n’apprennent au fond qu’à apprendre (et encore je n’en sui p as toujours sûr, autre sujet aussi !). Le plus important jusqu’au bac est sans doute ce qui ne sert à rien: les maths, la culture, l’orthographe, la poesie… Et si vous me voyez rajouter souvent dans ce blog l’informatique, ce n’est pas au nom de l’intérêt pratique ou industriel, mais parce que l’informatique prend tellement de place qu’on ne peut plus faire sans pour comprendre ce qui se passe autour de soi. ce phénomène est récent, il a moins de 10 ans, mais il ne faut pas que la France le loupe.

    – dans la mesure où l’école forme des “intellectuels”, les classes intellectuelles sont favorisées car ce type de savoir se transmet largement dans les familles, c’est évident. C’est une chance plus qu’une injustice pour la société que des classes intellectuelles existent. C’est la grandeur de l’école de devoir tout faire pour qu’un enfant venant d’un milieu culturellement défavorisé puisse justement “s’en sortir” au sens propre et que cet effet soit le plus possible statistiquement visible. Il y a beaucoup de moyens appropriés (plus de suivi individuel…) mais le discours ambiant qui vise à relativiser l’importance du savoir intellectuel ou à nier même qu’il s’agisse d’un savoir me semble absolument faux et anti-productif. S’il y a un point sur lequel il ne faut pas lâcher (ou alors autant abandonner le principe d’école publique), c’est la notion de savoir et de son côté émancipateur.

    – le recrutement socialement biaisé des prépas n’est que le symptôme du renoncement au savoir sur les élèves de 5 à 18 ans et les prépas, qui sélectionnent simplement les meilleurs, n’y peuvent rien. C’est là où il faut agir à l’école. La vraie chose gênante avec la prépa, c’est le caractère délirant de l’importance du diplôme qu’elle donne et qui structure toute une vie professionnelle ensuite alors que la performance scolaire n’est qu’un aspect (important certes mais relatif) de la capacité professionnelle des individus. Mais encore une fois, au sens d’instiutution donnant du savoir, la prépa ne peut rien à ceci, les solutions sont ailleurs.

    – si je peux rajouter une dernière considération pratique, c’est la notion d’effet tampon. Mettez 5 élèves moyens dans une classe de 30, et suivez les, vous avez une chance de les faire monter. Mettez 5 bons élèves par classe et 25 mauvais, vous baisserez le niveau des 5 bons (ce qui est aussi une grave injustice, on ne peut pas ne penser qu’aux mauvais). En adoptant des programmes du style collège unique + 80% d’une classe d’âge au bac, on a porté gravement tort aux bons élèves, surtout ceux provenant de milieux peu informés, sans aider les mauvais. On a aussi, et c’était le sens de mon billet, augmenté les inégalités entr eles élèves capables d’éviter la baisse de niveau (car provenant de milieux favorisés) et les autres. [J’emploie “bon”, “mauvais” pour simplifier, il n’y a pas de connotation morale ou de valeur derrière ces termes].

    Bien cordialement,
    Thierry Klein

  7. Effectivement, il s’agit d’un autre éclairage…
    Il faudrait tout un colloque, pour discuter tous les points que vous abordez dans votre réponse.
    Je m’en relèverai que deux un problème de concept et l’autre qui est de l’ordre de la croyance.
    L’école n’a pas d’objectifs car l’école est un moyen. C’est nous, qui définissons ses objectifs lorsque nous mettons un bulletin dans une urne. Pendant toute ma carrière, j’ai défendu une école qui apprenne à apprendre dans le but que les enfants d’aujourd’hui, deviennent les adultes les plus responsables possible, par la société la plus démocratique possible.
    Je fais partie des dinosaures, ceux qui étaient formés à l’Ecole Normale. Vous savez, cette institution qui formait les Enseignants de la République : tout un Projet!. Aujourd’hui, on forme des techniciens de la pédagogie… c’est pas du tout le même pareil…

    Ensuite vous parlez de mauvais élèves. Je peux vous affirmer qu’en 40 ans de carrière je n’ai jamais eu de mauvais élèves par contre, j’ai eu des élèves en difficulté. Un «mauvais» élèves ça n’existe pas ! J’ai eu très souvent la proportion dont vous parlez 5 «bons» élèves 25 «mauvais» élèves…
    C’est toujours le contraire de ce que vous annoncez qui s’est produit… j’ai eu la chance d’avoir peut-être, une bonne formation. Tout dépend du système, et de la qualité des relations et du niveau d’individualisation que vous savez mettre en place dans votre équipe d’élèves. Oui, les plus en difficulté, ont été tirés vers le haut ! Il est clair que ceux qui n’avaient pas de difficultés sont allés plus loin, mais les progrès accomplis par les autres étaient considérables et en phase avec les compétences minimales exigées pat le niveau exigé par le ministère. Votre affirmation ne se vérifie pas systématiquement c’est en celà qu’elle constitue une croyance que je combat depuis des années.
    Merci aux méthodes initiées par Célestin Freinet dont l’organisation l’OCE a raté le virage informatique et que javais déja adaptées sur mon petit Sinclair, mon premier ordinateur avec un Z80, pas de TBI à l’époque…
    J’espère bien vous rencontrer un jour, aux rencontres de l’Orme par exemple…
    Cordialement

    Pierre

  8. Je partage tout à fait votre vision de l’école de la République. Je pense aussi comme vous que la technique pédagogique est certainement un plus, mais pas une fin en soi.

    Je reconnais aussi que ma remarque sur “l’effet tampon” a un côté tout à fait empirique. Donc je ne vais passer trop de temps à la défendre. Simplement, il est possible que votre exemple personnel ne soit pas non plus significatif. L’Education Nationale “gère” des millions d’élèves et l’objectif est de trouver une méthode qui fonction en moyenne, pour la grande masse des élèves. Elle doit prendre en compte un professeur “réel”, moyen au sens statistique du terme et cela change les données du problème. Certains professeurs, les meilleurs, vont toujours s’en tirer et tirer le meilleur de leurs élèves. Le meilleur prof de maths que j’ai eu était aveugle… Vous avez des professeurs qui apprennent mieux à lire avec la méthode globale – simplement, en moyenne, il vaudra mieux pour les élèves utiliser une autre méthode.

    Cordialement,
    Thierry

  9. Erreur de casting rue de Grenelle « Mamadou Lamine Seck

    […] de reproduction des classes sociales et que ce mécanisme de reproduction du capital culturel, que Bourdieu appelle “héritage” doit être cassé, fût-ce au détriment du niveau scolaire lui-même qui reposerait, selon […]

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