Chantage au tableau interactif à Lompret : les problèmes d’investissement dans les écoles.

Retenez les ou ils font un malheurUn article, à mon sens très partial et surtout peu éclairé, de la Voix du Nord de ce jour mentionne “la colère des parents d’élève contre la municipalité et ses subventions“.

Point de discorde : le tableau interactif.

Ce que la Voix du Nord écrit…


Autre demande refusée : un tableau blanc interactif (TBI) du même modèle de celui qui équipe la circonscription, et compatible avec les supports pédagogiques utilisés dans les autres écoles. La mairie a préféré un modèle 1 000 € moins cher. Du coup, l’outil risque de ne servir à rien…
« J’ai fait une procédure d’appel d’offres, comme la loi m’y oblige, et le modèle choisi est utilisé dans plusieurs écoles du Pas-de-Calais. Ce n’est qu’ensuite que l’école m’a dit qu’il ne correspondait pas, et que l’équipe pédagogique ne l’utiliserait pas. » Dans une lettre que le maire a perçue comme « un ultimatum ». Ambiance…

… et mes commentaires.

1) Le Maire est dans son rôle lorsqu’il décide de faire un appel d’offres.

La Mairie finance les investissements de l’école et est garante de l’intérêt général. Elle n’a pas forcément à suivre à la lettre les demandes des enseignants qui demandent telle ou telle marque. Dans le cas précis, l’appel d’offres lancé par la Mairie a permis de gagner 1 000 € sur l’investissement, ce qui n’est pas rien (réduction de 50% environ).

2) Les enseignants n’apportent aucun élément de fond pour justifier le choix de la marque qu’ils préconisent.

Seul argument: les démonstrations ont été faites sur un tableau d’une autre marque celui choisi choisi par la Mairie…

3) L’Education Nationale sort de son rôle et pousse au choix d’une marque précise, générant souvent une dépense supplémentaire anormale pour la collectivité.

Pour l’inspecteur TICE, le choix de la marque préconisée serait “opéré dans l’ensemble des écoles de la circonscription et favorise une mutualisation des pratiques pédagogiques et des supports réalisés pour les enseignants” (1).

Cet argument est illégal car aucun appel d’offres n’a été fait en ce sens et que donc l’Education Nationale, à quelque niveau que ce soit, n’est nullement habilitée à préconiser de façon exclusive tel ou tel matériel.

Qui plus est, il est inopérant dans la mesure ou plusieurs marques (nous-mêmes, bien sûr), mais aussi des concurrents proposent d’une façon ou d’une autre des ressources mutualisées au niveau national.

L’Inspecteur “insiste sur le fait que l’investissement corresponde aux attentes et qu’il serait dommage d’installer un TBI que le maître risquerait de délaisser” (chantage larvé et renvoi des responsabilités vers la Mairie, puisque les enseignants déclarent ne pas vouloir utiliser le nouveau matériel).

Dans la plupart des cas, les arguments périphériques employés pour justifier le choix de telle ou telle marque résultent de l’action de lobbying des constructeurs. Il y a les ressources numériques, bien sûr, mais aussi le processus de formation, la technologie…

L’Education Nationale, à son plus haut niveau – pas seulement dans les circonscriptions – et toutes tendances politiques confondues, reprend souvent ces arguments alors qu’il n’existe pas d’étude fiable dans ce domaine (2).

Cet état de fait a été amplifié du fait de la décentralisation, qui la réduit à un rôle de “conseilleur” détaché des considérations budgétaires, que les collectivités locales doivent évidemment prendre en compte.

3) Cette structure de décision est tout sauf rare en France.

L’intérêt de l’article de la Voix du Nord est que le cas de Lompret n’est pas isolé. Beaucoup de circonscriptions ont fait de facto le choix d’une seule technologie pour le tableau interactif (elles ne l’admettront que rarement et jamais par écrit).

La conséquence pour la collectivité est que les dépenses ne sont pas sous contrôle. le constructeur de TBI sachant qu’il bénéficie d’une priorité de choix a peu de pression pour proposer un bon prix à la municipalité.

Il ne faut pas croire que seules les petites mairies subissent cette influence indirecte. Je constate ce phénomène presque quotidiennement et il touche un grand nombre de villes, de toutes tailles, et de collectivités locales.

4) Les mairies devraient toujours comparer plusieurs offres.

Si j’ai un conseil à donner aux maires, c’est celui-ci. Traitez le tableau interactif dans une certaine mesure comme une commodité et faîtes jouer la concurrence de façon simple – au moins parmi les marques les plus utilisées – le nombre de classes installées est un facteur qui vous protège quand même contre les mauvaises surprises.

5) Les mairies doivent vendre ce point de vue à leur école et expliquer les choix.

Il est évident que la situation à Lompret provient avant tout de tensions fortes entre la Mairie et l’école et que les choix de la Mairie n’ont pas été suffisamment expliqués. Le Maire n’a pas à faire plaisir à tel ou tel enseignant, il doit avant tout dépenser au mieux l’argent public et cela peut donner lieu à des compromis.

Dans la réalité, 99% des enseignants vont comprendre ce point de vue s’il leur est correctement présenté car eux aussi travaillent pour la collectivité et les divergences ne peuvent pas être si importantes, dans l’immense majorité des cas, que ce qui est constaté à Lompret. La plupart des enseignants sont extrêmement sensibles aux coûts des matériels et le prennent en compte dans leur réflexion, je le constate, là aussi, quotidiennement.

Précision: Speechi ou eBeam n’est aucunement impliqué dans les choix qui ont eu lieu à Lompret et la Mairie ne nous a jamais consulté. Je ne connais aucun des intervenants. Ce billet n’est pas un billet de convenance mais correspond à mon point de vue personnel “de parent d’élève”.

Précision 2: Le compte-rendu complet de l’école est disponible ici.

(1) Si des ressources mutualisées existent, ce ne sont que des fichiers informatiques et il y a toujours moyen de les utiliser sur un autre tableau – et dans la plupart des cas avec un bon niveau de compatibilité. On ne peut invoquer cet argument pour imposer une marque donnée.

(2) [Voir mes commentaires sur la récente feuille de route numérique du gouvernement ou le fameux rapport Fourgous].

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