Combler le retard sur les USA en créant un grand corps du numérique

Pour ce qui est de l’informatique, la France est un pays du tiers-monde.

Le retard pris par la France sur les Etats-Unis est immense et ne peut se rattraper qu’à marche forcée. Des universités telles que Stanford, MIT, Berkeley, Carnegie-Mellon sortent chaque année des centaines d’étudiants d’élite formés aux technologies et à l’économie numériques. En France, il n’en sort pour ainsi dire aucun.

Lorsque, sortant brillamment de l’option informatique Centrale Paris j’ai débarqué à Stanford, je suis du jour au lendemain devenu un élève médiocre. Les cours les plus avancés que j’avais pu suivre à Centrale étaient au mieux des cours de deuxième année (BAC + 2) à Stanford.

Le niveau de mes professeurs à Centrale était, de loin, inférieur au niveau des étudiants que je côtoyais à Stanford. 90% des cours et des notions enseignées à Stanford au niveau maîtrise ou doctorat n’étaient pas enseignés en France.

Il m’a fallu une année de travail acharné pour rattraper ce retard. (A mon grand regret, je suis donc un des rares élèves de grande école français à avoir bossé après la prépa !).

Rien n’a changé aujourd’hui. Il est presqu’impossible d’avoir même une conversation éclairée ayant pour thème le numérique en France tellement l’ignorance générale règne en maître.

Les corps qui administrent le pays ont une formation numérique quasi-nulle et leur dénomination même (Mines, Ponts…) appartient à un passé depuis longtemps révolu.

Un grand corps du numérique, comprenant 50 à 100 d’ingénieurs par an, devrait être créé, avec un statut équivalent à celui du corps des Ponts, des Mines ou de l’ENA. Ce corps aurait pour mission a minima de mener à bien la numérisation de l’administration française et de transformer l’Education Nationale.

L’entrée dans ce corps serait conditionné non seulement à la sortie de l’X, comme c’est le cas pour les grands corps d’ingénieurs, mais à l’obtention d’un Master américain en informatique, génie électrique ou MBA avec une spécialisation numérique, obtenu dans une université d’élite. Il devrait être ouvert aussi à quelques magistrats et à des médecins – dans la mesure où ils ont acquis une spécialisation numérique aux USA (1).

De tels ingénieurs, ayant rattrapé leur retard technique et dotés d’un bagage théorique initial qui reste supérieur à celui des étudiants américains, seraient capables de redonner à la France une place spécifique dans le concert des nations numériques.

J’ai bien peur que toutes les autres tentatives, tous les autres investissements dans le domaine soient voués à l’échec, tellement le retard accumulé est important.


(1) Il est toujours déprimant de comparer le niveau des motivations des jugements dans le domaine du numérique entre les USA et la France, que ce soit au civil ou au pénal. Des affaires telles que l’inclusion obligatoire ou non du navigateur dans Windows (Microsoft) sont littéralement injugeables en France par manque de compétence chez les magistrats. Ce n’est pas qu’ils sont idiots, mais ils ne sont pas formés. Et les professeurs n’existent pas actuellement en France.

(2) commentaires pour "Combler le retard sur les USA en créant un grand corps du numérique"

  1. Ecole numérique : trois propositions (plus une).

    […] 4. Créer un grand corps du numérique et combler le retard sur les USA […]

  2. Bonjour
    Merci à Thierry Klein pour ces mots salutaires. Notre pays s’est suffi de rapports de commissions qui auront certes fait phosphorer sous des plafonds à dorures, mais en vain. Votre texte est dans la ligne de votre philosophie produits ou du capital altruiste qui vous honore et me donne un grand plaisir à vous écrire. J’espère que vous serez entendu.
    Cordialement,
    Serge Meunier

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