L’esprit d’entreprise

Pourquoi suis-je devenu créateur d’entreprise ? A cause d’une double volonté : développer mes idées et être libre. J’avais, j’ai toujours, “l’esprit d’entreprise”. (Et oui, j’y crois encore, comme dans la chanson d’Aznavour).

Mais qu’est-ce, au fond, qu’une entreprise privée ? C’est une tentative de récupérer, au profit exclusif des actionnaires, le travail d’autrui. Les meilleurs chefs d’entreprise sont ceux qui comprennent le mieux cette notion. Les créateurs d’entreprise qui réussissent sont avant tout ceux qui savent mettre leur entreprise au service de leur intérêt exclusif.

La part en moi que je préfère, celle que j’appelle « esprit d’entreprise », celle qui cherche, invente, crée des projets, prend des risques – ma part aventureuse, utile et (parfois) noble – est sans doute celle qui s’oppose le plus, au quotidien, au bon développement de mon entreprise, au sens “intérêt privé” du terme.

Tout le travail d’une organisation comme le Medef consiste à maintenir l’ambigüité. A perpétuer la confusion entre l’esprit d’entreprise et l’entreprise au service d’intérêt privés. A parer les comportements avides et les intérêts privés des ors et drapeaux de “l’esprit d’entreprise”.

L’argument a été mille fois ressassé depuis que le capitalisme existe. Vous voulez toucher aux salaires des dirigeants ? A la rémunération des actionnaires ? Attention: vous êtes un nuisible. Vous êtes en train de détruire l’esprit d’Entreprise avec un grand E.

En vérité, entreprise privée et esprit d’entreprise n’ont souvent pas grand chose à voir et l’esprit d’entreprise peut trouver à s’exprimer partout (dans l’administration, l’enseignement, le bénévolat, la recherche scientifique, le sport – voir cette excellente interview de Didier Drogba.

Qu’on les confonde à ce point, jusqu’à la nausée, constitue non seulement un exploit de communication mais, au sens propre comme au figuré, un vrai détournement de fond(s).

Laisser un commentaire sur le blog