L’argent, c’est du temps (sur la retraite à 62 ans)

« Toute chose, Lucilius, est à autrui, le temps seul est à nous.
C’est le seul bien que l’on ne peut rendre.»
(Sénèque, lettre à Lucilius).

Nous recevons tous, à la naissance, un capital temps en infraction avec la déclaration des droits de l’Homme puisqu’il est inégalement réparti. C’est la façon dont nous utiliserons ce temps au cours de notre vie qui définit une vie réussie ou manquée.

Comment l’adulte moderne utilise-t-il ce capital temps ?

Il passe l’essentiel de son temps éveillé à travailler, contrainte qui a pour conséquence dans la plupart des cas (pas tous [1]) l’enrichissement d’un tiers (par exemple, l’actionnaire de son entreprise). Ce temps de travail est donc perdu mais on peut cependant le justifier en ceci qu’il permet d’obtenir le fameux temps libre.

Dans notre société, ce temps libre est essentiellement occupé à consommer. Si nous ne consommons pas, c’est la crise. Mais si nous consommons, nous nous condamnons à passer encore plus de temps au travail pour pouvoir financer cette consommation.

Ainsi, par quelque bout qu’on le prenne, le temps ainsi passé est toujours – et de plus en plus inutile.

Toujours Sénèque : « Une grande partie de la vie s’écoule à mal faire, la plus grande à ne rien faire, la vie tout entière à faire autre chose ».

Le temps libre : le temps gâché par notre faute. Le temps prisonnier (ou travail) : celui qu’on gâche à cause des autres.

Si vous leur donnez le choix, la plupart des êtres humains (pas tous) préfèreront gâcher leur temps eux-mêmes – c’est pourquoi ils préfèrent nettement partir à la retraite à 60 ans plutôt qu’à 62, à partir du moment, cependant, où leur pouvoir d’achat reste intact – c’est à dire qu’ils veulent en quelque sorte obtenir la garantie qu’ils pourront, de leur propre fait, continuer à gâcher leur retraite à consommer comme bon leur semble.

La seconde jeunesse devient ainsi aussi inutile que la première.

Qu’as-tu fait, ô toi que voilà
Pleurant sans cesse
Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà,
De ta retraite ?

 

 

[1] Un médecin, un professeur, un fonctionnaire, voire dans certains cas un artiste, peuvent poursuivre une tâche d’intérêt général, dont l’objectif est au-delà de la simple accumulation de richesses et qui donc n’est pas une simple perte de temps.

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