Joshua Bell, Jean-Jacques Goldman et moi.

L’année dernière, Joshua Bell, violoniste mondialement connu, s’est assis par terre dans le métro de Washington. Là, muni de son seul Stradivarius (d’une valeur de 3 millions d’euros !), il a joué pendant 45 mn du Bach et du Schubert.

Qui s’est arrêté pour l’écouter ? Presque personne. Presque personne ! Des milliers de voyageurs pressés sont passés devant lui, en évitant soigneusement de le regarder dans les yeux pour ne pas se sentir coupable de ne pas lui jeter une ou deux pièces jaunes.

Une exception notable : les enfants (jusqu’à 3 ans) sont les seuls à avoir donné l’impression qu’il se passait là quelque chose d’exceptionnel et ont à plusieurs reprises tenté de ramener leur mère vers le violoniste (avec une énorme fessée à la clé, en général).

Qu’est-ce que tout ça nous apprend ?

On peut évidemment penser que la réputation de Joshua Bell est totalement surfaite, un simple « coup marketing », ce qui fait que les voyageurs n’ont rien entendu d’exceptionnel et ne se sont pas arrêtés. Ce n’est très probablement pas le cas.

Les enfants sont-ils alors plus intelligents que les adultes ? Plus probablement, ils ont simplement moins la perception du contexte, ils n’ont pas de protection contre la nouveauté, les émotions et cela joue pour le meilleur (le violoniste) comme pour le pire (l’addiction à la publicité télévisuelle, l’endoctrinement…).

Comme les enfants du Conte d’Andersen sont les seuls à voir l’empereur nu, ceux du métro New-Yorkais sont les seuls à apprécier la musique sans tralala.

Le talent ne suffit pas.

Il faut évidemment du talent pour percer, mais il faut aussi bénéficier d’un contexte favorable, sans quoi personne ne va rien remarquer et le talent reste inaperçu.

Pour une société, cela veut dire vanter son produit, faire du marketing, de la communication, etc… Etre avant tout convaincue que son approche est la bonne. Cela peut prendre du temps, mais si vous ne faites pas tout ça, les gens passeront devant vous sans vous voir.

Suivre sa première impression

Si les petits enfants sont capables de suivre leur première impression, les adultes perdent généralement cette disposition – probablement une des conséquences d’un long et douloureux processus nommé “Education”.

Ceux qui arrivent à l’âge adulte en ayant réussi à conserver, même partiellement, de telles dispositions, ont un très grand avantage « compétitif » sur les autres. Artistes ou producteurs, ils sauront dénicher la perle rare avant tout le monde. Chefs d’entreprise, ils identifieront très tôt le bon produit, la bonne tendance – celle devant laquelle tout le monde passe sans même lever les yeux.

Dans les années 80,

je passais fréquemment, Métro Châtelet Les Halles, devant une immigrée sri-lankaise qui chantait en solo avec une voix extraordinaire. Un passant la remarqua, lui fit faire un essai, l’engagea. La chanteuse (Sirima) devint célèbre du jour au lendemain. Elle mourût malheureusement quelques années plus tard mais tout le monde se souvient encore de son tube : « Là bas ».

Le passant s’appelait Jean-Jacques Goldman.

(1) commentaires pour "Joshua Bell, Jean-Jacques Goldman et moi."

  1. En hommage à cette expérience, le 25 mai 2009, son homologue français, Renaud Capuçon, a tenu à participer à ce film en interprétant sur la ligne 6 du métro parisien « La Mélodie d’Orphée » de Christoph Willibald Gluck sur un Guarnerius de 1737 surnommé « le vicomte de Panette »…
    http://www.vimeo.com/17688367

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