L’Open Source est-il utile ?

On crie haro sur le textile chinois, dont le prix bas résulte du bas coût d’une main d’oeuvre prolétarienne forcément exploitée.

Les programmes Open Source sont réalisés par des étudiants (le plus souvent) ou des ingénieurs en provenance des pays du tiers-monde ou des pays occidentaux qui ne sont même pas rémunérés. En termes marxistes, les développeurs Open Source consentent donc à leur propre exploitation avec un enthousiasme qui les situe à un stade précédant largement toute prise de conscience. Le fait que ces travailleurs mondialisés soient en plus des intellectuels et qu’ils aient l’illusion de développer à gogo pour l’avenir du genre humain devrait les rendre encore plus suspects. Ils constituent un des moteurs de la paupérisation des travailleurs intellectuels qui résulte d’Internet.

Dans le Kitsch ambiant, le textile chinois, c’est “mal” (parce que ça détruit de “bons” emplois à l’Ouest), alors que l’Open Source, c’est “bien” (parce qu’on aime bien ce qui est gratuit et qu’on n’aime pas Microsoft).

Or dans le cas du textile chinois, la concurrence déloyale est loin d’être prouvée, l’impact économique global n’est pas forcément négatif et les emplois “perdus” (à l’Ouest) sont des emplois à faible qualification. (De ceux qu’il est de bon ton aujourd’hui de considérer comme tôt ou tard condamnés. L’avenir nous réservera des surprises à ce sujet mais c’est un autre débat).

Mais dans le cas de l’Open Source, La “concurrence” faite à un éditeur est sauvage car le coût de production est complètement nul ! Et les emplois concernés sont des emplois hautement qualifiés (des ingénieurs, des webmasters, des spécialistes marketing…). Voilà les emplois attaqués par les développements Open Source. Ce sont des emplois de “matière grise”, de ceux qu’on juge stratégique, aujourd’hui, de développer. (L’avenir nous réservera aussi des surprises à ce sujet, car parier sur la matière grise, c’est au fond penser que la notre est de meilleure qualité, argument raciste qui devrait nous mettre la puce à l’oreille, surtout dans un pays où on pense que le bon sens est la chose au monde la mieux partagée. Mais c’est aussi un autre débat).

On a d’autant moins conscience, en France, de cette attaque frontale sur l’emploi qui résulte du développement du phénomène Open Source que l’industrie de l’édition logicielle est dans un état lamentable, par manque de ressources techniques, financières, marketing. Les rares réussites françaises en matière de logiciel ont dû émigrer aux USA (Business Objects) pour se développer ou résultent d’un savoir-faire métier fort (Dassault Systèmes). On pense souvent que c’est l’absence d’investissement qui condamne la France dans ce domaine, mais la faiblesse technique de notre pays est immense et je le vois tous les jours lorsque nous tentons de recruter des ingénieurs.

Autre critère plus parlant qui montre bien notre faiblesse technique: regardez la place qu’occupent les projets français dans les domaines de l’Open Source. Elle est statistiquement ridicule. On reproche au système universitaire de ne pas savoir s’intégrer dans le monde du travail, mais il a aussi échoué à s’intégrer dans le monde de l’Open Source – et les grandes écoles ne sont malheureusement pas en reste. Il existe bien sûr d’excellents projets Open Source d’origine française ici ou là, mais je fais là un constat global.

On peut comprendre qu’une entreprise fasse appel à un logiciel libre s’il est moins cher, puisque le profit est son moteur. Mais comment alors comprendre la sympathie des différents donneurs d’ordre publics à l’égard de l’Open Source. Un maire n’ose plus dire à ses concitoyens que le parvis de sa grand place vient de Chine, mais il annonce fièrement sa volonté de passer à l’Open Source dans les prochaines années – alors, notez le bien, que le gain économique final pour la collectivité est loin d’être prouvé, car l’Open Source génère des coûts de service qui peuvent s’avérer supérieurs ou coût des licences.

Courte vue, démagogie, idéologie et incompréhension des enjeux ne peuvent justifier une politique, fût-ce pour s’opposer à Microsoft – ou à Google.

Une tentative de justification économique

La vraie justification de l’Open Source réside dans le fait que les dépenses de licence sont déplacées vers des dépenses de service (installation, adaptation, documentation, formation, support…). La plupart de ces services ne peuvent être réalisés que localement: quel que soit l’avancement des technologies informatiques fonctionnant à distance, ils ne sont pas prêts aujourd’hui à être « mondialisés ».

Les collectivités locales qui comprennent ceci ont la possibilité de créer des emplois de service stables, de matière grise, à forte valeur ajoutée et pas des emplois précaires et coûteux (de type emplois jeunes) – pour un coût quasi-nul puisqu’en général pas supérieur au coût d’un investissement informatique “propriétaire”.

On nous rebat les oreilles avec les taux d’équipement en infrastructures numériques (ADSL, haut débit, taux d’équipement en ordinateurs, voire en tableaux interactifs (!)) comme si c’était la panacée alors qu’en fait quand ce taux augmente, on favorise le développement de Microsoft, de Cisco, d’Intel (au choix…). Donc quand ce taux augmente, le pays s’appauvrit.

Un observatoire du taux d’équipement Open Source des collectivités aurait des retombées économiques bien supérieures car quand le taux d’équipement des collectivités en Open Source augmente, le pays s’enrichit (ou plutôt s’appauvrit moins).

(7) commentaires pour "L’Open Source est-il utile ?"

  1. Tweets that mention L’Open Source est-il utile ? -- Topsy.com

    […] This post was mentioned on Twitter by Morgan Magnin and Daniel Muller, Speechi. Speechi said: Speechi: L'Open Source est-il utile ? https://www.speechi.net/fr/2011/01/25/lopen-source-est-il-utile/ […]

  2. La plupart des arguments de cet article sont basés sur des mensonges, ce qui démontre soit l’ignorance soit la malhonnêteté de l’auteur.

    Je travaille dans le génie logiciel, et lorsque nous choisissons des solutions open-source, c’est souvent en raison de leur qualité et non de leur prix.

    Enfin, pour avoir rencontré des développeurs de solutions open-source, il s’agit soit de chercheurs, soit d’ingénieurs bien rémunérés, souvent américains, et parfois aussi français !

  3. Soit dit en passant, la solution de publication que vous utilisez pour votre site est WordPress. Il s’agit d’un logiciel libre (et donc open source). Son créateur, Matthew Mullenweg, n’est pas “en provenance des pays du tiers-monde” mais du Texas.

  4. Je vous prie de m’excuser pour ma réaction un peu vive.

    J’ai été choqué par vos première phrases où vous insinuez que les logiciels open-source sont nécessairement réalisés par des développeurs issus “de pays du tiers-monde”, mal ou non rémunérés, et qui produisent donc une concurrence déloyale envers le logiciel “payant”. Affirmations bien entendu non étayées par des sources vérifiables.

    Ma réponse ne concernait bien entendu que ces insinuations. En effet, celles-ci décrédibilisent complètement votre propos, ce qui m’a découragé de lire la suite de votre article.

  5. Bonjour,

    Ce ne sont pas des insinuations, ce sont des affirmations.

    Je n’ai pas inclus les chercheurs non pas parce que la concurrence d’un logiciel développé en labo de recherche n’est pas déloyale (elle l’est, dès lors qu’on met un coût “nul” sur le logiciel, ce qui correspond à la réalité des pratiques, en Europe comme aux USA : l’Open Source est en quelque sorte développé en mode “pantoufle”) mais parce que l’influence de l’Open Source provenant de la recherche sur l’industrie du logiciel est plus faible (là encore, il y a des exceptions).

    Ce n’est nullement incompatible avec le fait que certains logiciels Open Source sont de grande qualité – ni même avec le fait que l’Open Source a de fait changé le monde.

    Mon article n’est ni “pour” ni “contre” l’Open Source et un tel débat n’aurait d’ailleurs pas de sens.

    Je trouve simplement dommage – et significatif – qu’on rentre dans un débat de nature quasi-religieuse, avec accusation de malhonnêteté ou d’incompétence et interdiction formelle de critiquer dès qu’on évoque l’Open Source.

  6. Je ne vous interdis rien, je réagis juste à des affirmations qui me semblent fausses, et que vous n’avez d’ailleurs pas prouvé.

    Il est tout à fait possible de critiquer l’open source. Par exemple, j’admets que la documentation de certains projets est juste suffisante pour permettre leur adoption, mais pas tout à fait complète, et ce peut-être de le seul but de nous inciter à payer livres, formations, séminaires et consulting (c’est d’ailleurs de ça que vivent les sociétés de l’open source).

    Ne m’accusez pas louer religieusement l’open source (je remarque d’ailleurs que vous gratifiez l’expression de majuscules, contrairement à moi). Je ne suis que pragmatique car, en temps que prestataire de service, il me semble les solutions open source me permettent d’être plus réactif auprès de mes clients que les solutions d’éditeurs.

    Je vais en rester là, sinon vous allez croire que j’en fais une affaire personnelle.

    Pour finir sur une note constructive : puisque vous êtes basés sur Lille et dites avoir du mal à recruter des ingénieurs compétents, je me permets de vous conseiller de regarder du côté des masters de l’Université Lille 1 pour ce qui est des ressources en logiciel. Les parcours IPI-NT et IAGL par exemple forment des ingénieurs particulièrement efficaces.

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