Les tableaux interactifs sont-ils utiles à l’enseignement ?

Un excellent article du Washington Post, le meilleur article critique que j’ai pu lire à ce jour, qui synthétise l’ensemble des critiques circonstancielles que j’ai pu faire dans ce blog sur l’implantation du TBI dans les écoles, à savoir:

    • l’absence d’études probantes et indépendantes des constructeurs sur l’utilité des technologies.
      Ces études ont juste une valeur suggestive – et encore, c’est leur accorder beaucoup de considération.” (Steve Ross, professeur en pédagogie à Johns Hopkins University).
    • la confusion (de nature démagogique, à mon avis) entre le côté ludique, séduction des élèves et des professeurs et le gain pédagogique
    • la nécessité “marketing” pour les écoles, placées de plus en plus en concurrence les unes avec les autres, de s’équiper quel que soit le gain pédagogique réel. (Ce que j’ai appelé “l’affichage forcé de capital scolaire).
      “Une façon pour les écoles de s’afficher comme innovantes est de s’équiper du dernier gimmick” (Larry Cuba, Professeur émérite en techniques pédagogiques à Stanford).
    • des techniques de lobbying et de commercialisation peu éthiques

Voir dans l’article les critiques du procureur général de l’état de l’Arizona, qui s’est saisi du problème, et les réponses savoureuses d’un vendeur qui déclare, en réponse, que “notre société a modifié son standard éthique ! “. Voir aussi les relations dangereuses que dénonce l’article entre les prescripteurs et les constructeurs (il se passe exactement la même chose en France, mais pas en Suisse, visiblement !).

Une dernière critique, dont je n’ai pas parlé dans ce blog tout simplement parce que je n’y crois pas: les TBI induiraient un mode de pédagogie dit “frontal” (le professeur devant les élèves) et didactique au détriment de l’interaction collaborative (par petits groupes).

Je retrouve ces critiques dans un bon nombre d’articles, par exemple dans l’excellent blog de Bruno Devauchelle ou dans celui, non moins excellent, d’Eric Delcroix.

Pourquoi je ne crois pas à ces critiques méritera un billet un peu plus long. Mais très rapidement, je dirai que le TBI n’a pas ce défaut et que, qui plus est, ce défaut n’est qu’un défaut supposé.

Je ne pense pas, en effet, que le TBI induise tel ou tel mode pédagogique. Il est ce qu’en on fait. Qui plus est, nul n’a réellement prouvé l’avantage des pédagogies dites “non frontales”. On fait du frontal depuis 2500 ans (c’est Aristote qui l’a inventé et il y a des raisons profondes pour ça).

Avec ce genre de position, je me rends bien compte que je vais être critiqué aussi bien par les “amis” (en général très intéressés) du TBI que par ses “ennemis” (en général très dogmatiques) !

(7) commentaires pour "Les tableaux interactifs sont-ils utiles à l’enseignement ?"

  1. Je vais pas te critiquer au contraire, t’approuver 😉
    “Il est ce qu’en on fait” : j’suis entièrement d’accord avec toi 🙂
    Mais, là où je râle c’est justement dans l’exploitation des possibilités des TBI qui ne sont pas employés à mon sens. La plupart des usages que j’ai vu jusque maintenant des TBI est trop souvent soit un powerpoint qui pourrait aussi bien être diffusé sur un ensemble de poste informatique ou vidéo projeté, soit des applications “pseudo interactives”où le TBI n’est qu’un prétexte mais qu’on pourrait faire de 1001 manières différentes. Seulement, le TBI est là, il faut le rentabiliser.

    Si j’ose un parallèle, dans le secondaire, les enseignants ont entendu qu’il fallait faire des TIC, donc il demande à leurs élèves d’effectuer une recherche sur un compositeur sur Internet (faut faire des TIC) pour seulement obtenir date de naissance, date de mot et nationalité !

    Est-il besoin de se taper une page wikipédia ou regarder dans un simple dico pour obtenir l’information ?

    Ce que je dénonce, c’est faire des TIC pour des TIC sans un regard autre que celui des confrères béats d’admiration car le protagoniste a trouvé à faire quelque chose du TBI qui décore sa classe !

  2. Tout à fait d’accord. Sans oublier qu’à l’école (primaire dans mons cas),les TIC sont souvent enseignés comme matière à part entière… (à une heure donnée en salle informatique). Or les TIC sont à mon sens plutôt un outil transversal au service des élèves et de leur travail qu’une finalité en soi !

    “les TBI induiraient un mode de pédagogie dit « frontal » (le professeur devant les élèves) et didactique au détriment de l’interaction collaborative (par petits groupes).” L’interaction collaborative n’a pas attendu l’invention du tableau blanc (non interactif) pour faire son apparition dans les classes ! Pas plus que le mode “frontal” n’a attendu les TBI pour faire son grand retour. Tout dépend de la sensibilité de l’enseignant.
    Il est cependant tentant de baser ses séances sur des documents multimédias affichés au TBI et ne présentant qu’une certaine verticalité des informations… mais tout est dans la mesure et il conviendrait de ne pas en abuser, et d’alterner ces présentations avec des phases de discussion collective.

    Enfin, ça a déjà été dit, mais “il est ce qu’on en fait”. Cela nécessite un peu d’imagination de créativité et d’audace, mais je persiste à penser que souvent les enseignants, par manque de formation, de modestie ou de compréhension de l’intérêt du travail collaboratif, sont un peu frileux quant à laisser les élèves utiliser leur jou… le TBI. Des fois que ces petits le maîtriseraient mieux qu’eux.
    Quand l’élève dépasse le maître…

  3. Dans la Silicon Valley, les geeks paient très cher pour envoyer leurs enfants dans des écoles sans aucun ordinateur.

    […] Il y a bien sûr la conviction, étayée maintenant par de nombreuses études, que la technologie n’améliore pas, ou pas beaucoup, le niveau des élèves (voir aussi, sur ce blog “Le TBI est-il utile à l’enseignement ?“). […]

  4. D’une part vous dites que le TBI est ce qu’on en fait : je suis parfaitement d’accord. Mais vous réfutez le fait qu’il induirait le frontal tout en ajoutant “nul n’a réellement prouvé l’avantage des pédagogies dites “non frontales”. On fait du frontal depuis 2500 ans”.
    C’est, à mon sens avouer qu’effectivement, dans la vraie vie, les TBI sont utilisés à faire du frontal. Leur succès auprès des enseignants vient du fait que le TBI les rassure en les confortant dans la position du dispensateur de savoirs debout sur son estrade ou avec le crayon en main.
    Ce n’est pas un tare de faire du frontal, c’est juste un coup marketing d’appeler cela un TBI quand on ne précise pas où se trouve l’interactivité.

  5. @Jean:

    Interactif est effectivement un terme “fourre-tout” que tout le monde se garde bien de définir. Au départ, un TBI, c’est une façon de mieux manipuler le vidéoprojecteur et l’ordinateur. Certains l’utilisent simplement comme une télécommande.

    Tout ceci n’est d’ailleurs pas mauvais en soi. Le simple fait de réfléchir sur l’interface est positif et mène à des avancées qui me semblent, c’est vrai, très marginales aujourd’hui mais qui sont quand même prometteuses. Sans DOS, pas de MAC OS. Sans Newton (agenda inutile inventé par Apple dans les années 90), pas d’Iphone ni d’IPAD. En matière de nouvelles technologies, la fonction crée l’organe (ou plutôt, l’interface crée souvent les usages).

  6. “excellent article du Washington Post”: donc déjà ça vient d’un média donc pas tout à fait impartial. Ensuite, cette fameuse école diffuse ce qu’elle veut à l’extérieur. Moi je crois que c’est une école qui pour le coup (comment disait bourdieu) vise la reproduction sociale. Une école de gosses de cadres chez google etc…ça fait froid dans le dos. Là j’ai envie de dire, chers collègues , la fonction principale d’un prof est de faire réfléchir nos élèves sur la confiance à donner à l’information!!!!

    J’apprécie vraiment ce sujet et tous les commentaires. Il m’est très difficile d’échanger sur le point de vue des TICE dans mon établissement. Il y en a 2 (des profs) qui sont preneurs et tous les autres disent, oh ben moi j’ai pas de TBI et pis les TTCE , on a autre chose à faire vu le niveau de nos élèves alors ça m’intéresse pas…
    Et je suis partagée entre d’un côté les tenants du
    “on n’a pas attendu les TICE pour enseigner alors arrêter de nous fourguer des TICE à tout va!”
    et les
    “c’est génial, on va pouvoir faire de l’interactif et puis on va mettre des tablettes en réseau pour que les élèves puissent interagir à tout moment avec le TBI et puis on va faire un blog pour le dire et du coup on pourra évaluer les élève en b2i.etc etc etc..yeahhhh et puis comme ça ils vont devenir intelligent”.

    J’ai le “triste” avantage d’être étiquetée référent numérique de mon établissement. Etiquette TICE sous le bras, je m’interroge sur l’intérêt réel, l’usage qui en est fait, et le temps crédité pour investir le TBI (et les TICE en général). Effectivement, le TBI, on fait comme on peut quand on a la chance d’en avoir un.. Donc, il faut maitriser l’outil (bq d’heures non payées), il faut un administrateur réseau volontaire et disponible qui mette en lien PC, ordi, réseau interne de l’étab et ensuite (ou avant ce serait mieux) , il faut extraire les fonctionnalités du TBI pour l’objectif pédagogique qu’on se donne. ouh. Vaste programme. C’est rédhibitoire, il faut bien le dire.
    Surligner un titre avec son stylet en choisissant telle couleur n’a pas bq d’intérêt. En revanche, je vois bq d’intérêt à utiliser des fonctions du TBI pour des choses très simples loupes, extraction d’images, étude de plan, reconnaissance de texte manuscrit…
    Le fait de pouvoir réfléchir et laisser une trace écrite d’une réflexion collective en temps réel est très intéressant ! Je me suis aperçue que les élèves retenaient mieux ce qu’ils construisaient même si ça nous semble pas très beau.

    Je crois qu’il faut pouvoir expérimenter sur la durée ce TBI avant de pouvoir dire qu’il n’est pas utile dans notre métier.
    Effectivement, il y a un énorme business que les fabricants ont compris et donc ils nous vendent du numérique à tout va. Donc méfiance. Je crois qu’un prof un peu curieux est capable de chercher des petites choses utiles et partager avec des collègues volontaires.

    Je réfléchis souvent à la théorie de Michel Serre sur “l’externalisation” des fonctions . Je résume de façon approximattive: “Depuis que l’homme existe, il a cherché à externalisé des fonctions qu’il devait assurer lui même”, ex: il a inventé l’écriture ce qui lui a permis de libérer de l’espace de son cerveau (mémoire) pour s’en servir différemment, il a inventé l’imprimerie pour développer l’écrit de manière vertigineuse, il a inventé toujours des outils pour se servir de son cerveau de manière différente”.
    Peut être que les TICE ne sont qu’un outil permettant d’externaliser certaines fonctions. J’espère que le TBI n’est pas juste un joujou. Il peut l’être , mais ça dépend comment on l’utilise et après tout si c’est un joujou, on peut encore s’amuser un peu…c’est pas interdit.

  7. La Washington Post, bien que “partial”, va donc plutôt dans votre sens. Mais pour moi, rien n’est plus partial, fumeux, malveillant, contraire au bon sens et destructeur pour l’école (et les professeurs) que la thèse de Bourdieu. Rarement une thèse aussi incertaine aura eu un effet aussi nuisible (je ne vois que certaines religions ou sectes pour aller plus loin dans la croyance infondée). Voir https://www.speechi.net/fr/2013/12/03/pourquoi-le-niveau-baisse-cest-la-faute-a-bourdieu/ ou encore https://www.speechi.net/fr/2013/10/09/comment-lecole-detruit-la-valeur-scolaire-reflexions-sur-une-rentree-ordinaire-de-cm2/

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